L'entreprise turque est soupçonnée de tentative de faire sortir la pièce archéologique du territoire nationale. Une enquête est ouverte. Récemment, la cellule de la Gendarmerie nationale spécialisée dans la protection des sites historiques et du patrimoine culturel, relevant du groupement de gendarmerie d'Oran, a réalisé une "prise" hors du commun. Et pour cause ! Elle a mis le grappin sur un objet archéologique particulier, à savoir un canon de près de 3 m de long, pesant 400 kg et datant de l'époque espagnole. Mais cette affaire a pris une autre dimension puisque le canon a été retrouvé dans la société turque d'aciérie Tosyali, à Bethioua (wilaya d'Oran). Alors que l'objet se trouve encore au niveau de l'entreprise Tosyali, il devrait être récupéré sous peu, pour le transporter au musée Zabana, expliquera la directrice de la culture d'Oran. Celle-ci évoquera aussi la présence d'un araire datant du XVIIIe siècle. Un procès verbal a été dressé contre la société pour un délit de "non-déclaration de détention d'objet archéologique", alors que pour d'autres il s'agit tout simplement d'un "délit de recel". L'enquête a été enclenchée à la suite d'une alerte des citoyens qui ont informé l'Office de gestion et d'exploitation des biens culturels (OGEBC) du bureau d'Oran et la gendarmerie. Selon la cellule spécialisée de la gendarmerie, ledit canon se trouvait entreposé dans un hangar, bien à l'écart, et avait été nettoyé. "Sur place, nous avons remarqué que le canon avait été lavé, ce qui ne nous permet plus de procéder à des analyses de la terre pour déterminer la région où il a été trouvé", nous a-t-on expliqué. Pour sa défense, l'entreprise Tosyali aurait expliqué aux enquêteurs que le canon s'est retrouvé au milieu d'un chargement de ferraille acheté pour les besoins de l'aciérie. Plus grave, une autre source nous précise que les Turcs réclameraient aux autorités, avant l'enlèvement du canon, le paiement du poids de la ferraille. Des poursuites judiciaires devraient être engagées contre l'entreprise. Autre prise réalisée encore par la gendarmerie, fin mars à Naâma, l'arrestation de deux individus en possession de près de 400 pièces archéologiques volées dont des pièces de monnaies de différentes périodes, des pierres, des pointes de flèches. Cette arrestation montre en fait l'existence, depuis des années, de réseaux de pillage et de trafic d'objets archéologiques. D'ailleurs, les mêmes services ont noté une augmentation des affaires liées à ce trafic. De 2014 à 2015, il y a eu respectivement 12 et 24 affaires traitées rien qu'à l'ouest du pays. Au premier trimestre de l'année en cours, 115 affaires liées au trafic d'objets archéologiques ou d'atteinte à des sites historiques ont été traitées. Alors que pour le premier trimestre 2015, il n'y en avait eu que 94. Tout y passe, des bustes en marbre, des pièces de monnaies, des poteries, des pierres, des ustensiles datant de l'époque romaine ou numide. Le responsable de l'OGEBC à Oran nous dira ne pas être étonné de ces affaires : "Les sites historiques et les monuments ne sont ni protégés ni entretenus. Par exemple, nous avons un seul de nos gardiens pour le site de Portus Magnus qui s'étale sur 30 ha, ni éclairage, ni caméra et partout la situation est la même, aucune sécurisation ou entretien." Pour lui, les premiers responsables restent les collectivités locales, "ce n'est pas qu'à la culture et l'OGEBC que doivent incomber la protection des sites mais aux maires qui restent les premiers responsables et les APW", tout se félicitant quand même du travail de la cellule de la gendarmerie. Le trafic d'objets archéologiques, les réseaux, les collectionneurs sont une réalité explique encore Massinissa, l'ampleur est peut-être difficile à évaluer mais le phénomène est bien réel et dévastateur. D. L.