Le gouvernement, fruit d'une cooptation autoritaire du chef de l'Etat, ne peut accepter des dialogues politiquement engageants du seul fait que cela pourrait le contraindre à des concessions démocratiques. L'intersyndicale autonome de la Fonction publique vient de réussir le pari de mobiliser les fonctionnaires pendant deux jours pour protester contre la réforme du système de retraite, plus précisément contre le projet de suppression de la retraite sans condition d'âge, dite retraite anticipée. Un régime spécifique institué, faut-il le rappeler, au milieu des années 90, dans le sillage des recommandations du FMI, après le rééchelonnement de la dette extérieure algérienne. La mobilisation des lundi et mardi, forte notamment dans les secteurs de l'éducation et de la santé, preuve tangible de la représentativité, ne semble, cependant, pas inspirer au gouvernement une autre attitude que celle qu'il a toujours eue à l'égard des syndicats autonomes : poursuivre à leur dénier la qualité de partenaires sociaux éligibles au dialogue et à la consultation. Mardi, au second jour de la grève, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Mohamed El-Ghazi, tranchait, un brin provocateur, que la réforme de la retraite est maintenue et qu'elle le sera dans les termes que le gouvernement a choisis et dans les délais qu'il a fixés, c'est-à-dire dès l'entame de l'année 2017. Le même jour, des syndicats autonomes, au nombre de quatre, subissaient l'irrévérence de la commission santé de l'Assemblée populaire nationale (APN) qui les avait conviés, dans un premier temps, à des auditions autour du projet de réforme de la retraite pour ensuite se rétracter. Cette façon de faire des responsables de la commission santé de l'APN ne traduit pas une volonté de dépassement d'une situation de conflit qui risque de s'enliser davantage à l'avenir. Bien au contraire, elle ajoute au sentiment de marginalisation que les syndicats autonomes ressentent, exclus qu'ils sont des réunions tripartites que le gouvernement organise plus ou moins régulièrement pour faire avaliser ses options économiques et ses politiques sociales par les partenaires sociaux qu'il se donne et non ceux que le terrain devrait normalement lui imposer. Ce n'est pas un signe d'apaisement lorsque la ministre de l'Education, Nouria Benghabrit, malgré toute sa disponibilité au dialogue avec les syndicats du secteur, se laisse aller à dire, depuis la wilaya de Blida où elle s'est rendue, hier, que les syndicats grévistes prennent en otage les écoliers. Les syndicats de l'éducation, qui n'étaient pas réfractaires au dialogue avec la tutelle, lorsqu'il s'agissait d'élaborer et de s'engager autour d'une charte de l'éthique, se sentent, aujourd'hui, lâchés par la ministre à laquelle ils répondent d'ailleurs en lui rappelant que la satisfaction de la revendication qui leur a dicté d'entreprendre un débrayage cyclique dépasse sa prérogative. La réponse, soulignent justement les syndicats, appartient au gouvernement en tant qu'institution. Il n'y a rien de plus vrai. Or, il se trouve que le gouvernement, et les syndicats l'ont certainement compris, n'entend pas changer de comportement vis-à-vis des forces agissantes dans le monde du travail. Il affiche clairement sa volonté de traiter les syndicats autonomes de la même façon que les partis politiques de l'opposition, c'est-à-dire faire sans eux, voire malgré eux, y compris en ces moments où la crise invite à des processus de sortie négociés. Mais faut-il s'en étonner ? Pas vraiment, lorsque l'on sait que le gouvernement, fruit d'une cooptation autoritaire du chef de l'Etat, ne peut accepter des dialogues politiquement engageants du seul fait que cela pourrait le contraindre à des concessions démocratiques. Une perspective pour laquelle il n'est pas mûr. Mais pourrait-il le faire encore plus longtemps avec le semblant de consultation qu'il mène, de temps à autre, avec l'UGTA, le FCE et autres organisations-clientèles ? Rien n'est moins sûr. Sofiane Aït Iflis