L'avis d'attribution provisoire du vaccin pentavalent au laboratoire indien SII a été annulé hier. Les vaccins à valences séparées seront utilisés en attendant la décision du comité d'experts, à partir de dimanche. L'Institut Pasteur d'Algérie est revenu, hier, sur sa décision d'attribuer provisoirement le deuxième marché du vaccin pentavalent au groupe pharmaceutique indien (Serum Institute of India). Le comité d'experts du ministère de tutelle devra trancher, au cours de la semaine prochaine, sur la démarche alternative à suivre. En attendant, il est dit que le programme de vaccination se poursuivra selon l'ancienne formule, soit l'usage de vaccins à valences séparées. "Nous disposons de quantités suffisantes pour couvrir les besoins en la matière, pendant au moins huit mois", affirme un cadre du département de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. Il faut noter que chaque année, 3 millions d'enfants sont vaccinés (un million de bébés de moins de 12 mois et deux millions d'élèves en milieu scolaire). En 2015, le budget alloué au programme de vaccination s'élevait à 3,142 milliards de dinars. Pour 2016 (pentavalent + quatre nouveaux vaccins introduits), ce budget a augmenté à 10,212 milliards de dinars. Près de 48 millions de doses, tous vaccins confondus, sont commandés. Sur ce nombre, 7 millions de doses concernent le pentavalent, dont l'efficacité et même l'innocuité sont remises en cause par de hautes instances sanitaires internationales. Dès lors, il est à se demander pourquoi l'Algérie a opté pour ce produit qui lui aurait coûté nettement plus cher que le programme classique. À rappeler que trois mois à peine après la mise en œuvre du nouveau calendrier de vaccination, introduit le 24 avril 2016 pour les enfants nés à partir de cette date-là, les deux premiers cas de décès de nourrissons ont été enregistrés à Rouiba. Ils seront suivis par d'autres, dans d'autres villes. À titre préventif, en attendant les conclusions de l'enquête lancée sur cette affaire, le ministère de tutelle a mis en quarantaine quelque 200 000 doses de vaccin pentavalent réceptionnées sur un total de 7 millions de flacons commandés à un fournisseur indien. Pour ne pas compromettre le programme de vaccination, l'Institut Pasteur d'Algérie a lancé aussitôt un appel d'offres qui a abouti, dernièrement, à l'attribution du deuxième marché provisoire au groupe indien SII. Le dossier soumis par ce dernier, le moins-disant, semble-t-il, aurait obtenu une note globale de 86 sur 100 (note technique de 56/70 et note financière de 30/30). À ce titre, il a obtenu le marché de l'ordre de 2 760 000 dollars, devançant le coréen LG life sciences, écarté car son produit n'est pas enregistré dans le pays d'origine, et deux autres soumissionnaires indiens, dont les vaccins sont référenciés avec des effets indésirables. Pourtant, des praticiens de la santé, dont des pédiatres, se sont insurgés contre l'utilisation des vaccins pentavalents d'origine indienne, qui ont causé des complications ou carrément des décès dans les pays où ils ont été utilisés. Dans une publication encore visible sur son site officiel, le Comité consultatif mondial de la sécurité vaccinale de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a relevé que "l'Inde a introduit le vaccin pentavalent fabriqué par l'Institut des sérums de l'Inde dans les Etats du Tamil Nadu et du Kerala en décembre 2011. L'utilisation de ce vaccin a ensuite été étendue aux Etats de Goa, Pondicherry, Karnataka, Haryana, Jammu et Kashmir, Gujarat et Delhi au cours de la deuxième moitié de l'année 2012 et du premier trimestre 2013. À ce jour, 83 cas de Mapi, dont certaines associées à des décès, ont été notifiés après l'introduction du vaccin dans certains Etats". Globalement, au-delà du fabricant, les doutes visent le vaccin pentavalent dans son essence. Dans ce rapport, le vaccin n'est pas mis en cause franchement. Il n'est pas, non plus, lavé de tout soupçon. Il en est de même pour plusieurs articles de presse publiés, entre 2010 et 2016 en Inde et ailleurs. Et c'est ce qui gêne les experts algériens, qui récusent le choix de l'Institut Pasteur d'Algérie. Contactée par téléphone il y a dix jours, la responsable de la communication de l'Institut a balayé d'un revers de la main ces suspicions sur le pentavalent. "L'IPA a choisi le fournisseur qui a donné les meilleures garanties techniques sur le vaccin, qui a, au demeurant, la préqualification OMS", a-t-elle certifié, avant de poursuivre : "Nous misons sur la qualité du vaccin." Justement, le comité technique a commis l'erreur de n'exiger, dans le cahier des charges, que la préqualification OMS, qui n'est pas une assurance absolue de la qualité du vaccin. Au bout du parcours, l'IPA se ressaisit et annule à temps le marché attribué. Souhila Hammadi