La crise entre l'Allemagne et la Turquie prend une tournure inquiétante, notamment pour Ankara qui est visé par des mesures allemandes à même de nuire à son économie. Berlin voudrait même enterrer l'espoir turc d'adhésion à l'Union européenne, auquel elle apportait un soutien mitigé jusque-là face aux positions hostiles d'autres pays membres de l'UE. Hier, le président turc a sorti ses crocs en répondant sur un ton très virulent à son homologue allemand, qui avait déclaré quelques heures auparavant dans un entretien accordé à la chaîne publique ZDF : "Nous ne pouvons pas accepter ce qui se passe en Turquie." "Ne vous mêlez pas de nos affaires intérieures", a rétorqué Recep Tayyip Erdogan lors d'une conférence de presse à Istanbul, avant de s'envoler en direction des pays du Golfe pour entamer une mission de médiation dans le cadre de crise entre le Qatar et l'Arabie saoudite et ses alliés, avant d'ajouter : "Personne n'a le droit de se mêler des affaires intérieures de la Turquie." L'interpellation à Istanbul de défenseurs des droits de l'homme, dont un Allemand, semble constituer la goutte qui fait déborder le vase pour Berlin. Cette dernière a donc annoncé une réorientation de sa politique vis-à-vis de la Turquie avec des mesures qui peuvent pénaliser économiquement son partenaire historique. Les mesures prises par le gouvernement d'Angela Merkel incluent notamment un réexamen des garanties, prêts ou aides qu'apportent le gouvernement allemand ou l'UE aux exportations ou aux investissements dans le pays. Cette perspective inquiète les dirigeants turcs, qui se relaient depuis plusieurs jours pour tenter de rassurer les investisseurs allemands, en démentant notamment des informations de presse faisant état d'une liste de 68 groupes allemands ou cadres dirigeants d'entreprise accusés de soutien au terrorisme par Ankara. "Il n'y a ni enquête ni examen visant les entreprises allemandes qui sont présentes en Turquie. Ce sont des informations mensongères, erronées, des affabulations. Il n'y a rien de tel", a démenti Erdogan, hier. Il y a lieu de rappeler que les rapports entre l'Allemagne et la Turquie se sont également dégradés au sein de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (Otan). Merzak Tigrine