Les élections législatives qui se déroulent aujourd'hui en Tunisie sont considérées par quasiment tous les observateurs comme cruciales pour l'avenir de ce pays, en tant qu'étape charnière dans le processus de transition commencée avec la chute du régime de Zinedine Ben Ali. Près de 5,3 millions d'électeurs sont convoqués aux urnes pour élire à la proportionnelle 217 députés parmi les quelque 1 300 listes candidates. Plus que tout autre, les Algériens sont extrêmement attentifs à ce scrutin qui a lieu dans notre voisinage immédiat et dans un contexte régional instable. Deux jours avant le scrutin, le ton a été donné par des opérations antiterroristes retentissantes menées par les forces spéciales tunisiennes. Une de ces opérations s'est déroulée dans un quartier du Grand Tunis, vendredi, et s'est soldée par la mort de six terroristes, dont cinq femmes, et l'arrestation de deux autres. La veille, jeudi, à l'aube, un civil a été tué dans un accrochage entre des unités spéciales de la Garde nationale tunisienne et deux terroristes, qui ont été arrêtés dans la province de Kebili, dans le sud-ouest du pays. Le nombre de terroristes abattus et celui des victimes parmi les forces de sécurité et les civils commencent à s'allonger en Tunisie. La situation chaotique qui domine en Libye inquiète les autorités tunisiennes qui ont été contraintes de fermer pendant trois jours l'accès à la Tunisie depuis ce pays dont la frontière sert de passage à des armes de contrebande. Le ministre tunisien de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, a justifié cette mesure par la crainte des actes «terroristes» à l'occasion des élections législatives. L'autre pays voisin, l'Egypte, n'est pas épargné : vendredi, au nord de la péninsule du Sinaï, un attentat à la voiture piégée visant un point de contrôle de sécurité a coûté la vie à 30 soldats égyptiens. Le dimanche précédent, il y a une semaine, sept soldats égyptiens ont été tués et quatre autres blessés dans un attentat à la bombe visant leur véhicule dans la ville d'Arish dans le Sinaï du Nord. L'ambiance de fanatisation qui sert de toile de fond au développement du terrorisme en Tunisie est traduite dans le nombre, quelque 3 000 mais cela pourrait être plus, d'islamistes qui ont rejopint les groupes armés, dont Daech, en Syrie pour renverser Bachar Al-Assad. La situation économique en Tunisie n'est pas brillante. L'économie de ce pays, qui était basée sur le tourisme, a énormément souffert de l'instabilité créée par l'arrivée au pouvoir du parti islamiste Ennahda et par le regain d'activités terroristes, sans que l'on puisse savoir si le flux touristique reprendra tel qu'il était avant. Au plan social, les revendications pour lesquelles les Tunisiens se sont soulevés en janvier 2011 et ont chassé du pouvoir Zinedine Ben Ali n'ont pas été satisfaites, au contraire la situation s'est aggravée pour les plus démunis, avec une baisse du niveau de vie consécutif au renchérissement des produits des aliments et d'autres produits de consommation courante, et avec un chômage persistant. Dans ce contexte difficile, les autorités tunisiennes veulent réussir leur opération électorale qui sera suivie par pas moins de 25 000 observateurs, dont quelques centaines d'étrangers, ainsi que des centaines de journalistes, tunisiens et étrangers. Une mission d'observation électorale européenne, dans laquelle sont représentés 28 pays, conduite par un membre du Parlement européen, a été déployée pour observer ces élections qui se veulent un exemple de sortie de crise qui sera donné aux autres pays arabes confrontés au chaos déclenché par le «printemps arabe».