«A quoi bon parler ?» demande Jomoua Safieddine, réfugié de la région de Homs, tout en déroulant le fil de son exil à Ras Baalbek, un village proche de la Syrie, où le bruit de combats dans la montagne voisine entre l'armée libanaise et des groupes djihadistes syriens résonne régulièrement en cet été. Qu'y a-t-il de son quotidien de misère, dans ce coin de la Bekaa, qui ne soit pas connu – les heures passées à tuer le temps, la vie suspendue aux aides, la déscolarisation des enfants – et qui « ne suscite pourtant que l'indifférence » ? S'il parle, c'est peut-être pour eux, ses quatre enfants âgés de 14 à 5 ans, dont il ne cesse de répéter que ce n'est « pas leur faute » s'ils en sont réduits à cette vie qui lui fait « honte ». « Notre sort est celui de tous les réfugiés syriens : la vie s'est arrêtée », glisse cet ancien restaurateur de 39 ans. Il loge dans une petite maison accolée à un champ de tournesols, prêtée en échange de travaux agricoles. Les Syriens chassés par le conflit, installés pour la plupart dans les pays frontaliers, ont dépassé le seuil des 4 millions, selon les Nations unies. Au Liban, leur nombre est resté relativement stable depuis l'hiver – près de 1,2 million de réfugiés enregistrés auprès du Haut commissariat aux réfugiés (HCR), auxquels s'ajoutent ceux qui ne se sont pas déclarés, plusieurs dizaines de milliers selon des estimations. Beyrouth, inquiet de cet afflux qui constitue près d'un quart de la population, a fermé ses portes. Pour les réfugiés déjà présents, les conditions se dégradent.