Il n'y a pas plus de corail sur les côtes d'El-Kala (El-Tarf) que de poissons sur celles de Annaba, ont conclu des experts étrangers sollicités pour une étude. Celle-ci a porté sur la viabilité de la ceinture coralliaire qui, jusqu'au début des années 2000, faisait la fierté des Kalois. Frontalière avec la Tunisie et à quelques encablures de l'ile sicilienne connue pour le travail d'orfèvre que réalisent ses habitants sur le corail, cette commune de la wilaya d'El-Tarf perd une autre de ses ressources naturelles avec une baisse alarmante de sa production agricole. Avec la complicité des membres de la mafia locale du corail, les plongeurs tunisiens et siciliens ont, au moyen de la Croix de St André, raclé les fonds des côtes d'El-Kala. Ce faisant, ces prédateurs ont éliminé toute possibilité de régénération de ce cnidaire. D'où le gel du projet de réalisation du siège de l'Agence nationale du corail. Il a été annoncé par le ministre de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche (MADRP) Abdeslam Chelghoum au port d'El-Kala, une des étapes de sa visite dans la wilaya d'El-Tarf, ce jeudi dernier. Ce projet avait été annoncé en grande pompe en 2014. Le ras-le-bol exprimé par le ministre lors de cette visite est un autre fait notable à souligner. Le représentant du gouvernement a, en effet, qualifié la situation caractérisant le secteur agricole dans la wilaya d'El- Tarf «d'inadmissible». Il a aussitôt ordonné l'envoi, dans les prochains jours, d'une commission d'enquête pour en déterminer les causes et situer les responsabilités. Cette décision serait à l'origine du chamboulement du programme de la visite du ministre. Comme un sauve-qui-peut, l'ordre des étapes n'a pas été suivi. A l'exemple de ces trois allers-retours, sous une chaleur caniculaire, de la délégation ministérielle vers la daïra El-Kala, de l'anarchie à l'inauguration du 2e salon national de l'agriculture et de l'annulation impromptue de l'inauguration d'une école privée dédiée aux activités agricoles. «Faire de l'agriculture une économie alternative et durable impose le changement des comportements et de méthodes de travail des responsables. Les agriculteurs et les investisseurs doivent être davantage impliqués pour prétendre atteindre cet objectif», telles ont été les orientations du ministre destinées aux responsables locaux. Un rappel à l'ordre nécessaire compte tenu du fait qu'à El-Tarf, chacun paraissait avoir sa propre conception de la gestion agricole. Bon nombre d'agriculteurs et éleveurs ont dénoncé la gestion artisanale de leur filière respective. Et même si, informé des chiffres en hausse de la production à l'hectare de la tomate industrielle, le ministre ayant exprimé sa satisfaction, il reste encore beaucoup à faire. Et pour cause, alors que nos voisins de l'ouest et de l'est font de la tomate industrielle et celle dite primeur, un facteur de recettes en devises grâce à des exportations vers les pays de l'Union européenne, dans notre pays, nos agriculteurs, transformateurs et éleveurs sont toujours à chercher à piocher dans les caisses de l'Etat (subventions, octroi de terres, aide à la mécanisation...). Ce qui justifie l'appel des experts qui, tant à Annaba qu'à El-Tarf, ont souligné la nécessaire remise en cause des aides censées être destinées au développement agricole et de l'élevage. Appel apparemment entendu par le ministre qui, dans sa déclaration faite lors de l'inauguration du 2e salon national de l'agriculture à BenMhidi, a fait référence à une éventuelle révision de la stratégie agricole actuelle. Celle allant dans le sens du partage d'expériences, la mutualisation des moyens et ressources déployés par l'Etat et l'amélioration de l'attractivité à mettre en application pour attirer des investissements étrangers. «Il est indispensable d'unir nos efforts et de travailler dans le cadre du partenariat pour prétendre augmenter la production agricole, de l'élevage et celle laitière. Il faut sortir des sentiers battus et se tourner vers d'autres activités agricoles, de transformations agroalimentaires et d'élevage», a estimé Abdeslam Chelghoum à Annaba et El-Tarf. C'est aussi la vision de Messaoud Chebah, ingénieur agricole et président du Conseil national de la tomate industrielle. Ce dernier a souligné la nécessité de multiplier les surfaces dédiées à la culture des tomates dans d'autres régions du pays. Côté agriculteurs, bon nombre estiment qu'une multiplication des zones permettrait de réduire la pression sur les transformateurs, d'augmenter les surfaces agricoles et de transformation à même de satisfaire les besoins du marché national et exporter l'excédent vers d'autres pays. Il est question de soumettre ce projet innovateur à une large concertation avec les organes de gestion de la filière, les partenaires, l'université, les instituts techniques et les structures financières.