Peu de rappels ont été observés et entendus sur une date anniversaire que l'on disait trame historique pour une Algérie qui en a vu d'autres. Le 5 octobre a été étêté, écimé et sa sève ne s'est avérée qu'une infime rigole polluée d'eau courante. Près de vingt ans se sont écoulés et malgré la course des années avec son sarcasme désarmant, le temps semble figé. Le pays reste accroché à sa ligne de départ, toujours englué dans l'impossibilité d'assumer sa pleine souveraineté et de trouver la voie de sa vraie indépendance. Octobre 88 n'a été qu'une mauvaise césarienne, spontanée assure-t-on, et tout porte à croire que l'enfantement douloureux a généré une population particulière qui a définitivement perdu ses repères en ne croyant plus en la foi des hommes. Depuis, face aux tâtonnements voulus savants de détenteurs de fausses vérités, des travestis en prophètes éberlués se sont armés de tronçonneuses pour propager l'effroi et le sang. On en est toujours là. Seul le visage de la déraison a changé. Il n'y a qu'à voir autour de soi. Sans aucun effort d'observation, le dérèglement constaté dans le partage de l'espace commun a atteint des proportions périlleuses et la violence morale et physique généralisée frappe à grands coups jusqu'aux portes les plus intimes des demeures. Cependant ! Les Algériens ne seraient pas seuls en cause. Le monde entier vit une transition douloureuse dont personne ne connaît l'issue. Les dégâts incommensurables causés par le capital et la force de l'argent ont fini par dissoudre le peu de sérénité et de normes que l'Histoire avait daigné retenir pour quelques peuples privilégiés et l'Algérien n'est que cette feuille d'arbre soumise aux turpitudes des vents. L'un d'entre eux a plaqué la haine et la folie pendant plus de dix ans jusqu'à faire de la tragédie une culture de chaque instant. Quand l'ineptie dans la gouvernance a structuré la démence et le désarroi, il est difficile aujourd'hui de trouver un sens et une consistance à une date comme celle du 5 octobre.
