De l'ouverture du colis de la future Constitution, on ne semble retenir que l'officialisation de Tamazight comme langue nationale et officielle. Viendront en second la question de limitation de mandats et la dernière, celle de la tragédie nationale. Le reste des chapitres reste dans le flou, l'inintéressant et la profession de foi très idéaliste. Il y a presque de l'amusement intellectuel à lire les paragraphes concernant les libertés, les droits et la lutte contre la corruption et se souvenir de nos réalités, des abus, dépassements, zèles et monarchisme ambiant. Ce nouveau livret de famille n'est pas trop différent des anciens et se reconnaît à sa fanfaronnade mesurée à nos sorts quotidiens. Passons. Les questions restent à poser sur les autres détails : la limitation de mandats qui sonne presque comme un amendement comique, proposé par la même personne qui en a violé le sens il y a quelques années. Par quelle impudence vient-on aujourd'hui proposer une limitation de mandats pour autrui et la clause de 10 ans de résidence en Algérie ? Et que signifie «constitutionaliser» la tragédie nationale ? Une décoration de plus pour Madani Mezrag, une amnistie encore plus féroce empiétant sur le devoir de mémoire et le droit de demander des comptes ? Encore plus de dattes et de lait pour les repentis en sursis ? Un verrouillage encore plus féroce sur la question des disparus ? On ne sait pas. Cela ressemble à une manoeuvre pour fermer tout débat sur la question ou bien à une opération pour transformer une fausse solution en un prestige international. Ce texte est beau à lire. On veut y ajouter sa foi et sa croyance mais il n'y a pas plus décevant dans nos pays que les constitutions et on a assisté à tellement de viols que la noce a le goût du plastique dans la bouche de l'affamé. Les réalités sont autres et même si un texte de loi fondamentale est le but d'une nation et non l'état des lieux de sa terre, on a appris à garder nos distances avec ces «romans». Il en va de même pour l'officialisation de Tamazight. C'est une victoire. Mais dans la réalité, cette victoire va se heurter aux grandes cultures régionalistes nourries avant même la naissance de ce pays. Et va se heurter à l'effet de barrage sournois des conservateurs et des islamistes et des générations Echourouk, nourries à la haine de soi, à l'auto-racisme et au déni. La résistance des zombies de l'identité va être énorme et les moyens d'en triompher son faibles sans le soutien d'un Etat entier. C'est une longue entreprise et ceux qui y ont sacrifié leurs vies et leurs temps, sans nier les autres, en savent quelque chose. Cette constitution, sur ce point, est un triomphe mais cela reste de l'encre. Il faut, en même temps, lui donner les moyens, réparer nos blessures et nos esprits, guérir nos divisions, nourrir le consensus et la retrouvaille et lever les malentendus et pardonner les torts et les morts. Cela demande que certains pardonnent et que d'autres retrouvent leurs racines au lieu de cracher dessus au nom de Dieu ou du chameau. Tamazight n'est ni une propriété, ni une dissidence et une traîtrise. C'est nous, tous. Ce texte est à lire mais il ne doit pas faire oublier le chemin. Il ne doit pas servir à une diversion, ni blanchir une illégitimité politique fondamentale, ni stopper le débat sur comment il a été écrit, par qui, pourquoi. Il ne doit pas escamoter ce huis clos qui a servi à sa rédaction, à ses consultations. Ce nouveau texte a déjà un pêché de naissance et une erreur d'adoption.
