Slimane Benaïssa est de retour depuis le 27 juillet sur la scène de la Manufacture, à Avignon dans le cadre du festival off. Sa pièce Au-delà du voile, créée au début des années 90 est revue par une jeune metteuse en scène, Agnès Renaud, et trois comédiennes maghrébines de la compagnie l'Arcade, Khadija El Mahdi, Myriam Loucif et Fatima Aïbout. Elles apportent une vivacité au texte dur du dramaturge algérien, appuyées par une mise en musique « orientalisée » de Youval Micenmacher. L'histoire, on s'en souvient, rappelle une période désespérante de l'Algérie, lorsque le voile devenait un barrage entre deux façons de voir le monde. La scène s'ouvre sur deux sœurs en conversation à cœur ouvert. La cadette refuse le port du hidjab, s'opposant au frère (d'où le sous-titre « Si tu es mon frère, et moi qui suis-je ? ». L'aînée, femme au foyer, tente de composer et trouve plus aisé de plier, à son corps défendant, comme certains moments le laissent entrevoir clairement. L'œuvre de benaïssa, même si le contexte a beaucoup évolué et que les plaies sont moins vives, reste une vibrante ode à la femme. Agnès Renaud nous en parle. Propos recueillis à Avignon Pourquoi avoir monté cette pièce ? C'est d'abord une histoire personnelle, parce que ma mère est née en Algérie et après son départ en 1962 elle a jeté un voile sur son passé. Elle parle très difficilement de l'Algérie et pour moi l'Algérie, de là, de l'extérieur, c'est un pays plein de contradictions : magnifique, riche, plein de son histoire, avec des gens attachants et en même temps pris dans la violence à certains moments de son histoire. C'est cette antinomie qui m'intéressait énormément. J'avais envie d'aller à la rencontre de l'autre, des autres, de l'Islam aussi, de l'ailleurs. Cela a été pour moi un flash. Qu'avez-vous apporté dans votre adaptation ? Dans le texte initial, la sœur aînée prend en charge les chants, puisque initialement dans la version originale, il y a des chants et des voix off, celle du général, du muezzin, de l'imam. Moi j'ai aménagé en ayant un troisième regard, avec une figure féminine ancestrale qui serait un peu un personnage porteur de sagesse populaire, libre de ces déplacements, ce qui permet d'avoir du lien et de porter un regard d'amour. Ce personnage, qui n'existe pas dans l'œuvre de Benaïssa, je l'ai créé en restant fidèle à son esprit. Cela me paraissait évident. La cadette, c'est l'Algérie moderne qui a du mal à trouver son chemin, il y a la sœur aînée forte de la tradition et puis il y a l'Algérie des ancêtres avec le personnage chantant et disant qui permet en fait de se réconcilier. Le texte est daté, créé au début des années 90 et en même temps reste-t-il, selon vous, actuel ? Pour moi ce texte dépasse le cadre de l'Algérie. Il parle de choses qui touchent tout le monde. La cadette, c'est un peu moi, révoltée, en recherche à l'adolescence. Je pense que les Occidentaux peuvent se retrouver dans cette pièce qui permet de créer des débats bien sûr sur le voile, mais aussi entre les communautés diverses.