Le pouvoir en place n'en finit pas de dérouter son monde. Après avoir prouvé qu'il pouvait dissoudre les services secrets puis les reconstituer et, plus récemment, révoquer les patrons de la police et de la gendarmerie, il se complaît aujourd'hui à maintenir en activité des personnages politiques d'une incroyable vacuité. Depuis plusieurs mois, c'est le discours du chef du FLN qui est en train de désespérer l'opinion publique plus que les affres de la crise financière. Dans sa dernière intervention, samedi à Aïn Defla, Ould Abbès a informé les journalistes qu'il a pu trouver la formule, au bout d'une semaine de réflexion, pour s'adresser au président de la République dans l'optique de la prochaine présidentielle. «Il ne faut pas parler de candidature mais de la poursuite de la mission. Il faut saisir la nuance», a-t-il expliqué. Un effort surhumain pour aboutir à la négation de la démocratie. Ce ne sont pas de nouveaux éléments de langage, mais les signes d'une phase terminale d'une génération qui n'a pas pu construire une conscience politique dans le pays plus de cinquante ans après l'accès à l'indépendance. De cette mort politique qui rythme étrangement la vie nationale, le pouvoir a fait un moyen d'action et de diversion. Il occupe le terrain et ferme le débat. Quand celui-ci s'insinue dans certains pans de la classe politique, les accents sont pareillement surprenants. Le parti, qui était à un certain moment la locomotive de l'opposition, militant pour une transition démocratique, le MSP en l'occurrence, a fini par s'en remettre à l'armée pour sortir le pays de l'impasse. Une proposition qui va à rebours du travail accompli ces dernières années pour construire le fameux rapport de force dans le but d'amener le pouvoir dans tous ses compartiments à accepter l'organisation d'élections régulières. Les autres formations de l'opposition sont partagées entre la léthargie et le recul stratégique, parfois des tiraillements organiques insurmontables. Les voix les plus crédibles se suffisent de l'analyse de la crise et du cheminement fatidique du régime, reléguant la mission historique de mobiliser et de structurer les forces sociales. Sur ce registre, le pouvoir est plus entreprenant. Il allume des contre-feux, multiplie les abcès de fixation pour contrebalancer toute démarche globale et solidaire, porteuse d'alternative politique. Un blogueur en prison pour occuper les défenseurs des droits de l'homme, et des médecins dans la rue pour voiler la grogne sociale qui se répand en profondeur. On encourage même la solidarité avec des activistes persécutés dans un pays voisin pour bien prouver que nous détenons la palme de la stabilité et du vivre-ensemble. Dans cet arsenal de la diversion conçu pour permettre une succession feutrée, il n'est plus besoin d'agiter le spectre du retour du terrorisme. Cet argument est devenu, du reste, totalement inopérant. Même si les responsables continuent de vanter, à l'international, l'expérience et les moyens de notre pays en matière de lutte antiterroriste, une récidive djihadiste est l'hypothèse la plus improbable. La société a mis au point ses anticorps contre l'islamisme vindicatif depuis la fin des années 1990. Elle est, par contre et pour l'heure, totalement désarmée face au grand banditisme qui a infiltré les rouages de l'Etat.