Depuis que nous nous sommes lancés au début du mois d'août dans cette enquête sur les traces du singe magot en Kabylie, la rencontre du fameux macaque berbère est devenue presque une obsession pour nous. Cela devint d'autant plus insistant après avoir recueilli les premiers témoignages au chef-lieu de la commune d'Iboudrarène, qui fut notre point de départ. Sauf que dans l'entourage immédiat, à notre passage, il n'y en avait pas. Nous résolûmes alors de foncer en direction de la montagne, vers Tizi N'koulal, Thaletat (la main du juif, 1638 m d'altitude) et jusqu'à Tikjda, dans l'espoir d'en croiser au moins un sur la route et faire quelques photos avec lui. Et quelle ne fut notre déception en constatant que le massif de l'Akouker – cœur battant du Djurdjura – était étrangement déserté par les singes. Jusqu'à l'esplanade verdoyante d'Aswel, toujours aucun macaque en vue. Comme l'Auberge du bracelet de Beni Yenni est en travaux, nous avons décidé de passer la nuit à Tikjda. Et là, immense surprise : à peine ayant nous mis les pieds à la réception de l'hôtel Djurdjura que nous en aperçûmes un, à travers une vitre, qui gambadait tranquillement aux abords de la piscine de l'hôtel. Nous nous rendrons compte assez vite que le spécimen en question était loin d'être un «loup» solitaire. Une fois installés dans notre chambre, au deuxième étage, là, c'était carrément le grand spectacle qui s'offrait à nous. Nous pouvions aisément suivre leurs mouvements depuis la terrasse. Il était 18h passées, la piscine venait d'être fermée et, à la place des clients de l'hôtel, les singes prenaient leurs aises au bord du rectangle turquoise. Il y en avait au moins une dizaine qui se relayaient pour s'abreuver en penchant la tête vers la surface du bassin bleu et laper l'eau goulûment. D'autres s'employaient à chercher leur pitance en fouillant les poubelles. L'un d'eux a même renversé une grande poubelle verte avant de se mettre à faire le tri dans les déchets. Le voici avec un emballage de biscuits ou de chips au bec. D'autres encore se faufilaient sous les tables désertes avant de grimper au mur d'enceinte et monter vers les toits, le tout sous le regard amusé d'un groupe de jeunes accompagnés de leur père. «Ils ne sont pas agressifs. Juste qu'il ne faut pas leur donner à manger», nous diront plusieurs employés de l'hôtel. D'ailleurs, de grandes pancartes avec la mention «Ne nourrissez pas les singes» sont plantées un peu partout dans le périmètre du complexe «Centre national des sports et loisirs de Tikjda», dont relève l'hôtel Djurdjura. Il faut dire que dans le contexte d'un séjour d'agrément, ils constituent indéniablement un atout touristique. Ils font partie du paysage et sont une attraction en soi. On ne les voit pas de la même façon selon que l'on soit juste de passage, en quête d'évasion et d'exotisme, ou sédentaire des montagnes devant subir leurs caprices au quotidien. Vers 19h30, les singes ont disparu comme par enchantement après avoir fait leur «marché». Nous n'en croiserons plus de la soirée, y compris dans les magnifiques cédraies qui entourent l'hôtel. Le lendemain, vers 7h, ils sont de nouveau réapparus. Certains se hasardaient jusqu'aux abords de notre chambre qui donne sur le toit d'un des pavillons de l'hôtel, et sur lequel ils sautillaient allègrement. Ils ne se montraient guère effarouchés en constatant notre présence lorsque nous avons ouvert la porte vitrée de notre chambre pour voir leur réaction. Vus comme ça, ils paraissent tellement inoffensifs et attendrissants. L'un d'eux était à un mètre de nous et nous considérait d'un air presque familier. Il avait une expression quasi-humaine dans les yeux. Troublant !