La visite du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, au Portugal met en lumière la success-story hors du commun d'un pays partenaire, qui aurait pu servir d'exemple à l'Algérie –même si le contexte n'est pas le même– dans sa quête d'une sortie de crise, au lendemain de la chute des prix du pétrole. L'Algérie aurait également pu profiter d'opportunités d'investissements d'affaires au Portugal qui a quasiment déroulé le tapis rouge à ses partenaires étrangers, en vue de relancer la production et la croissance économique. Un pari qui s'est avéré gagnant, puisque le pays a réalisé une croissance de 2,8% en 2017, le plus haut niveau en dix ans. Le chômage est tombé à 8,6%, selon les prévisions, en 2018, alors qu'il était de 16% en 2013, tandis que le déficit public, qui équivalait à 7,4% du PIB en 2001, n'est plus que de 2% du PIB actuellement, soit beaucoup moins que certains pays européens nantis. Mené par une coalition de gauche depuis 2015, le Portugal a opéré ainsi une mue économique spectaculaire, passant d'un pays au bord de l'implosion en 2008, à une économie viable, dix ans plus tard, contrairement aux pires prédictions de l'Union européenne qui ne voyait pas d'un bon œil la désignation d'un Exécutif de gauche au pouvoir. Le Portugal a ainsi pu faire des pas de géant, après une crise très rude qui a failli le mener au dépôt de bilan. La transformation économique portugaise, qui est désormais qualifiée de «miracle» au sein de l'Europe, a été permise par la mise en branle d'une stratégie économique et sociale, en deux temps : d'abord une gestion rigoureuse de la crise assortie de plusieurs mesures antisociales, dont des relèvements d'impôts et des réformes du marché du travail, –avec un gel des salaires–, la réforme du système de retraite et de celui de l'administration publique, puis une fois la croissance impulsée, une levée de toutes les restrictions sociales. Des facilitations nombreuses ont été accordées aux investisseurs étrangers avec plusieurs incitations, dont un visa permanent pour ceux qui engageaient une mise de 500 000 euros. Une option qui a attiré des centaines d'investisseurs étrangers, dont beaucoup de Chinois mais aussi des Européens qui ont délaissé pour certains l'Europe de l'Est pour se tourner vers le Portugal. Par ailleurs, des facilitations visant des retraités expatriés et autres résidents non permanents, ont fait du Portugal une destination prisée qui attire de plus en plus de personnes désirant s'y installer. Le recentrage sur des filières industrielles et agricoles traditionnelles – comme le textile, les chaussures – en y injectant une technologie de pointe et en misant sur le moyen et haut de gamme, au lieu de la production de série, en plus de l'agriculture intensive a permis à l'économie portugaise de tirer son épingle du jeu et de gagner des parts de marché, favorisant une montée des exportations qui progressent depuis quelques années, de 20% par an. Le gouvernement de gauche mené par Antonio Costa – qui a succédé à un gouvernement de droite ayant mis en branle la politique d'austérité – a pu ainsi, malgré les réticences de Bruxelles, accomplir des prouesses économiques inimaginables dans le contexte de crise qu'est celui du sud de l'Europe et en comparaison avec le marasme économique que connaissent la Grèce et l'Espagne. Même si le petit pays européen traîne encore le fardeau d'un prêt de 78 milliards d'euros, montant de l'aide accordée par la Commission européenne et le FMI, soit 130% du PIB, et une dette privée conséquente, le gouvernement actuel a pu faire émerger l'économie de manière spectaculaire, réduisant notamment, entre 2016 et 2018, le déficit budgétaire de 2,1% à 1,5% de son PIB. Suite à ses progrès, le gouvernement a pu mettre fin à la politique d'austérité, tout en renforçant la politique sociale et en stoppant le programme de privatisation de services et d'infrastructures mis en œuvre par la droite. Face à la réussite indéniable du gouvernement portugais, l'agence de notation financière Standard and Poor's a relevé, il y a deux semaines, la perspective de la note du Portugal et confirmé les notations de plusieurs autres pays européens. La perspective est ainsi passée de «stable» à «positive», ce qui reflète la possibilité d'un relèvement de la notation de ce pays du sud de l'Europe, si la stabilité financière continuait de se renforcer. «Nous tablons sur le fait que l'économie portugaise va croître de l'ordre de 2% chaque année d'ici 2021, avec une amélioration du déficit budgétaire qui devrait représenter 0,4% du PIB en 2020 contre 0,7% cette année», a souligné l'agence de notation. Même si la sortie de crise n'est pas totalement acquise, le Portugal a réussi à prouver – si on reste dans une approche macroéconomique – que son salut pouvait se concevoir via un modèle économique réaliste, tout en privilégiant une voie sociale préservant la dignité des couches fragiles.