La Libye continue de payer un lourd tribut à la gestion tribale et dictatoriale de Mouammar El Gueddafi. Comme la plupart des dictateurs arabes et africains, il a laissé derrière lui un Etat éclaté, la guerre civile, la déstabilisation de toute la région méditerranéenne et un peuple totalement divisé. L'envoyé spécial des Nations unies pour la Libye vient de publier un rapport qui laisse apparaître un grand découragement, son pessimisme ne laisse place à aucun doute. La situation dans ce pays rappelle la guerre civile qui a ravagé le Liban durant une quinzaine d'années et c'est un miracle si ce dernier n'a pas été effacé de la carte. Les Libyens, eux, ont leur horizon bouché. Il y a, selon le rapport, 1200 groupes de miliciens qui font leur loi et qui, une honte pour le monde arabe, ont remis au goût du jour l'esclavage. On a vu des images dégoûtantes montrant une vente aux enchères d'hommes et de femmes d'Afrique subsaharienne, rappelant les sinistres marchés aux esclaves des Etats-Unis des XVIIIe et XIXe siècles. Les images ont fait oublier le fait que les Arabes étaient les premiers esclavagistes et les Libyens ont fait remonter à la surface ces honteux souvenirs. Des monarchies du Golfe, elles aussi, exploitent de façon criminelle la main-d'œuvre asiatique, mais pas de manière aussi ostentatoire. Divisée en trois régions, la Libye ne se relèvera pas de sitôt. Le gouvernement d'union nationale, reconnu par les Nations unies, ne contrôle que la région Ouest. Le général Haftar a, quant à lui, la mainmise sur l'Est mais n'arrive pas à éliminer les terroristes de Daech qui y font la loi. De leur côté, les chefs de tribu, qui ont coupé tout contact avec le pouvoir central, menacent de proclamer l'indépendance, mais leurs divisions les empêchent de s'entendre sur le minimum. Les interférences étrangères n'arrangent par les choses. Le Qatar, qui a des visées sur le gaz libyen depuis l'époque d'El Gueddafi déjà, finance des milices et mercenaires pour assouvir des ambitions surprenantes pour un petit Etat. De son côté, la France, responsable de la mort du dictateur et de la guerre civile actuelle, ne veut pas lâcher le morceau. Elle est même entrée en conflit avec l'Italie qui considère que la Libye fait partie de sa sphère d'influence. L'Algérie, qui est surtout soucieuse de la paix et de la stabilité d'un pays voisin, a fait des efforts pour rassembler les Libyens. Elle aurait pu réussir parce qu'elle bénéficie d'un grand capital de confiance chez les protagonistes, mais les interférences extérieures ont cassé son travail. Les Algériens savent qu'une Libye éclatée pourrait menacer la sécurité de notre pays. Pour l'instant, les trafiquants d'êtres humains et de drogue empêchent la stabilisation et la concorde entre Libyens. Tant que l'Etat est absent, le territoire restera la terre de prédilection de milliers de malheureux à la recherche de l'eldorado en Europe. Une affaire juteuse pour les hommes sans foi ni loi, qu'ils soient Libyens ou autres, d'autant que les responsables de l'éclatement du pays ne veulent pas réparer leurs erreurs. Ce qui veut dire que la paix n'est pas pour demain.