Villes, véhicules, exploitations offshore, gestion, capteurs et maintenance industriels, bâtiment, aéronautique… l'intelligence artificielle s'est imposée partout. La mécanique n'est pas en reste de l'innovation; d'où le développement d'une mécanique avancée. Cette dernière s'intéresse également aux énergies renouvelables : les éoliennes, les plaques photovoltaïques, les turbines et autres moteurs hydrauliques, etc. Mais qu'en est-il pour l'Algérie ? Le diagnostic des experts est sans appel : on accuse un retard considérable. Le Pr Belaïd, de la faculté des sciences de l'ingénierie de l'université M'hamed Bougara de Boumerdès et président de la Conférence internationale de mécanique avancée et des énergies renouvelables (Cimaer 2018) qui s'est tenue à la bibliothèque centrale de l'UMBB, l'a affirmé : «Non seulement notre pays est en retard, mais, plus grave, nos entreprises ne manifestent pas encore l'intérêt nécessaire. Sur la cinquantaine d'entreprises invitées à cet événement scientifique, où sont présents des experts étrangers et nationaux, 5 seulement ont daigné répondre.» Dans son allocution inaugurale, le Pr Belaïd l'avait annoncé : «Cette conférence réunira l'ensemble de la communauté universitaire des chercheurs, des enseignants et des industriels pour aborder les multiples disciplines et domaines d'application de la mécanique dans une vision pluridisciplinaire et replacer ainsi au cœur du débat les technologies intelligentes, véritables fers de lance de tout développement économique et sociétal, et repenser la coopération ‘'recherche-industrie'' pour des partenariats fructueux, en relation avec le développement de projets prioritaires nationaux, à l'exemple des projets ‘'smart industries''.» La plénière a donné, d'emblée, la mesure de la qualité des exposés. Le Dr. Fatima-Zohra Daïm est une Algérienne à la carte de visite extrêmement riche : docteur en mathématiques appliquées et Data sciences au département scientifique de l'ESI Group systèmes informatiques pour les professionnels à Paris. Titulaire d'une maîtrise de mathématiques de l'université d'Oran (Algérie), d'un DEA en équations aux dérivées partielles et analyse numérique et d'un doctorat en mathématiques appliquées de l'université d'Orsay Paris-Sud), elle s'est intéressée au thème «Hybridations : un nouveau paradigme de l'industrie et de la société 4.0, la technologie et l'humain enrichis». Elle a mis en relief une innovation révolutionnaire, «Le jumeau hybride» qui combine deux types de modèles : le premier basé sur la physique, mais ayant démontré ses limites. Le second est un tout nouveau type de modèle servant à expliquer la déviation entre les prédictions du modèle physique calibré et la réalité observée. Une innovation qui permet le contrôle en temps réel des modèles numériques. Lui succédant, le Pr Belkacem Ould Bouamama a abordé la «Surveillance des systèmes d'énergies hybrides renouvelables : application à une technologie power to X dans les villes intelligentes». Il s'agit d'une technologie Power-to-X (P2X) faisant référence à un certain nombre de conversions d'électricité et de stockage d'énergie. «C'est une approche innovante qui peut être utilisée pour réduire l'intermittence des sources d'énergie renouvelables, telles que l'énergie éolienne et solaire, pour équilibrer la charge du réseau pendant des périodes moyennes et demande de pointe en électricité. De plus, il a un réel potentiel à contribuer non seulement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais également à l'utilisation de l'énergie excédentaire dans différentes industries», lit-on dans le résumé de son intervention en anglais. Pour sa part, Philippe Lorong, professeur des universités depuis 2008 à l'Ecole nationale supérieure d'arts et métiers Paris Tech et chercheur au CNRS, s'est penché sur les déformations des pièces d'usinage pour concevoir «le développement et la mise à disposition de logiciels intégrant la physique nécessaire qui peut alors permettre aux industriels de prédire et maîtriser ces phénomènes.» D'autres interventions ont porté sur «L'intégration au réseau de centrales photovoltaïques» (Dr Ould Amrouche Saïd, du Centre de développement des énergies renouvelables d'Alger), et sur «La réalité virtuelle et augmentée et son rôle dans la formation» (Dr Ali Yousnadj, de l'Ecole nationale d'arts et métiers de Paris, membre du Conseil national d'évaluation de la recherche). Ces quelques exemples démontrent, si besoin est, que les chercheurs ont quitté leur tour d'ivoire pour s'intéresser étroitement au monde économique et, ainsi, répondre à son appel de participer au développement, avec une attention particulière accordée à l'énergie verte. Ainsi, à la faculté de l'ingénierie mécanique, une discipline «Energies renouvelables» a été ouverte. Selon le Dr Brachemi, «il y a émergence de deux spécialités : mécanique et électrotechnique». La communauté universitaire est consciente que les énergies renouvelables ne peuvent prétendre au respect que si on les maîtrise technologiquement.» A cet effet, deux laboratoires existent. Celui de l'énergie, mécanique et ingénierie. L'autre concerne la mécanique des solides et des systèmes. De plus, un doctorat des énergies renouvelables en est à sa deuxième promotion. Certes, des passerelles ont été instaurées avec les partenaires industriels, mais «il n'y a pas encore de contrat sérieux», se désole notre interlocuteur.Donc, l'inverse est loin d'être vrai. Les entreprises, notamment algériennes, boudent toujours la recherche innovante. La notion de recherche développement est encore une expression vide de sens chez la majorité de nos entrepreneurs.