A chaque match de football, un incident violent. A moins d'un mois des actes de vandalisme transmis en direct par la télévision publique lors de la rencontre derby opposant l'USM Alger à l'USM El Harrach, des scènes d'une violence inouïe reviennent cette semaine. La victime encore une fois le club algérois, l'USMA, lors du match l'opposant au MC Saïda pour le compte de la 25e journée du championnat de Ligue 1 de football professionnel. Les supporters de l'USMA rencontrés un peu partout dans l'Algérois crient leur indignation et condamnent unanimement de tels actes qualifiés par la direction du club algérois d' «apocalypse» et d'«actes injustifiables» par Mohamed Khaldi, président de MC Saïda. «On ne comprend pas pourquoi ils nous ont attaqués à Saïda ?», s'interroge Merouane, 22 ans, du quartier Climat de France, à Bab El Oued. Hichem, son copain témoin des violences, enchaîne : «Nous étions assis tranquillement dans les tribunes exiguës du stade, comme à l'accoutumée, nous chantions et dansions afin de donner du punch à nos joueurs, Et, subitement, des accrochages entre nos supporters et ceux de Saïda avaient éclaté puis ils se sont transformés en bagarres.» Hichem tente de joindre par téléphone un des supporters blessés à l'arme blanche pour qu'il témoigne. Sid Ali accepte de nous parler au téléphone, il est alité. «A la sortie du stade, on courait dans tous les sens. Un supporter de Saïda me désigne du doigt et son ami passe à l'acte en me poignardant dans le dos. Complexe algérois Personne n'est intervenu. Je n'ai dû mon salut qu'à des supporters de mon équipe qui m'ont secouru. J'aurais peut-être rendu l'âme, les flics n'ont pas bougé», raconte-t-il, la voix enrouée par l'émotion. Les témoignages à Zghara, Soustara ou à Bab El Oued se ressemblent tous. «Nous sommes choqués par de tels comportements, pourtant nous sommes connus comme étant les supporters les plus pacifistes en Algérie», nous précise-t-on. «Ce n'est que le résultat de l'arrogance des Algérois», tranche, Bachir, la cinquantaine, supporter chauvin de l'USM Alger au cercle du club à Bab El Oued. «J'ai assisté à la rencontre, mais ce qui est à retenir est le comportement de nos jeunes. Vous savez, on a l'impression que nos jeunes font du tourisme dans leur pays et se comportent en tant que tels», remarque-t-il. En d'autres termes, la faute incombe aux supporters algérois. «Les gens de l'intérieur du pays sont toisés par les Algérois ; ils les considèrent comme des citoyens de second degré, des incivilisés, «kaab», disent-ils. J'observe ça depuis longtemps. A chaque sortie au stade, les supporters algérois se comportent très mal à l'extérieur de leur wilaya. Vous n'avez qu'à voir la manière avec laquelle ils demandent un café, une bouteille d'eau ou passent commande pour un sandwich, comment ils traitent les serveurs, ils rigolent à chaque phrase prononcée par les locaux. C'est indéniable, cela renseigne beaucoup sur la manière avec laquelle ils regardent les autres, et c'est normal que cela les énerve et les frustre», analyse Bachir avant d'être interrompu par un groupe de jeunes. «Ils sont comme ça Allah ghalab, que voulez-vous qu'on fasse (Rebbi kh'lak ou farrak), Dieu a créé et distingué entre Ses créatures», lance-t-il. Provocateurs les supporters algérois ? «Absolument, avec un tel discours et de tels comportements, cela ne peut que provoquer la colère des supporters ou habitants des autres wilayas. Il y a eu quelques incidents avant le match, en ville, des escarmouches entre les supporters de l'USMA et ceux de Saïda. On m'a même parlé d'agressions à l'arme blanche», témoigne un autre supporter de l'équipe algéroise. Sofiane, étudiant en statistiques, supporter de l'USMA, rencontré à Djamaa Lihoud, à La Basse-Casbah, dit ne jamais rater un match de son équipe préférée et nous raconte l'ambiance qui prévaut dans ce genre de match disputé à l'extérieur. Les Usmistes victimes de la réputation des Chnaoua «Il y a toujours un groupe qui gâche nos sorties et provoque les gens. Ce sont des bandes de voyous, drogués et armés profitant de nos déplacements pour s'adonner à leur hobby préféré, l'agression et le vol. Il nous arrive à nous-mêmes d'être agressés ou volés dans les stades, ici même à Alger», révèle-t-il. «Le jour du match, j'ai moi-même assisté à une scène d'agression dans un relais routier à l'entrée de la ville de Saïda. Un vieux a été agressé par une bande de jeunes soi-disant supporters de l'USMA ; je peux vous assurer qu'ils n'ont rien à voir avec nous ou notre club», atteste Fouad, 24 ans, supporter de Soustara. Si les Algérois ont une mauvaise réputation à l'intérieur du pays, la cause, selon les Usmistes rencontrés lors de notre reportage, revient aux «agissements des supporters du Mouloudia qui sont connus pour leur provocation, leur violence, surtout lors des déplacements. Là où ils passent, c'est la bagarre générale», nous explique-t-on. Au fil des ans, à en croire les supporters que nous avons interrogés, «il est devenu dangereux d'aller assister à un match en dehors d'Alger. Ils ne font pas (les supporters de autres wilayas) la différence entre les Usmistes et les Mouloudiens. Nous sommes à chaque fois obligés d'expliquer que nous n'avons rien à voir avec eux ni avec leurs agissements. Nous sommes pacifistes et calmes ; nous venons que pour supporter notre équipe et rien d'autre». Mais cela ne semble point convaincre les habitants des autres wilayas. «On hait tout ce qui est algérois, notamment les Chnaoua qui, au fil du temps, ont causé beaucoup de dommages, commis des agressions, il faut donc s'attendre à des représailles…», avertit un jeune supporter. Revanche Chez les Usmistes, on est animé par un esprit de revanche. «Ce qui s'est passé à Saïda ne passera pas comme ça», promet l'un des supporteurs remontés avant d'être interrompu par une voix sage. «Arrêtez de dire ça, tout le monde est responsable de ces incidents. Nous étions tous présents, ce jour-là ; nous avons tous une part de responsabilité dans ces actes condamnables. Nous avons comme d'habitude provoqué les autres avec nos chants, avec les agissements de certains de nos supporters. La responsabilité est partagée, maintenant nous devons assumer ce qui s'est passé», clame un vieux supporter de l'USMA. L'animosité créée au lendemain de ce match entre les supporters de l'USM Alger et ceux du MC Saïda devrait cesser, selon les dires de l'un des membres du club des supporters algérois. «Nous allons tenter, dans les prochains jours, de convaincre la direction de notre club d'organiser une rencontre de conciliation et d'amitié et d'arrêter les violences et les haines entre les supporters ; cela concerne tout le monde et pas seulement notre club», prône-t-il. Mais il sera difficile de convaincre ces nombreux supporters d'accepter une réconciliation imminente, un tube risque d'enflammer bientôt nos stades, il sera signé par un groupe des plus écoutés dans l'Algérois. Un appel à la sagesse émanant de tous les clubs et une volonté réelle des pouvoirs publics à stopper immédiatement ce genre de violences récurrentes lors des défouloirs footballistiques est primordial et urgent.
