C'est la saison des olives ! A Mila, région rurale à plus de 64%, la campagne de cueillette des olives bat son plein. Elle dure généralement de novembre à janvier. La filière de l'oléiculture s'y est développée beaucoup ces dernières années. Les plantations d'oliviers couvrent environ 12 000 hectares. Et cette superficie est appelée à grandir, dès l'année 2019, de 600 autres hectares, selon le DSA. L'activité est pratiquée essentiellement sur les massifs montagneux du nord de la wilaya. Cet important patrimoine mobilise des milliers de travailleurs saisonniers chaque année pendant la période de la cueillette. Ce sont essentiellement les femmes rurales qui font le plus gros de la tâche. Selon une tradition ancestrale, les cueilleuses ne sont payées en numéraire, mais en nature. Chaque cueilleuse reçoit le tiers de la récolte. Ce régime de paiement en nature est appelé chartia dans la commune montagneuse de Chigara. Le mot vient de l'arabe chart (condition). Autrement dit, une cueilleuse n'accepte de récolter des olives dans une plantation donnée qu'à la condition de recevoir le tiers de la récolte. C'est légitime quelque part, au vu de la pénible tache de la cueillette et la précarité des conditions de vie des populations rurales engagées dans ce travail. Il faut dire que c'est grâce à l'effort de ces femmes, qui quittent leurs domiciles dès 5 heures du matin pour les oliveraies, que le secteur de l'agriculture a réalisé, en 2017, 1,5 million de litres d'huiles et plus de 100 mille quintaux d'olives de table. LES TECHNIQUES DE TRAVAIL EVOLUENT Par le passé, la cueillette des olives se faisait au moyen de longues perches. Pour atteindre les fruits sur les hautes branches, les cueilleuses utilisaient des perches pour secouer les rameaux qu'elles n'arrivaient pas à atteindre. Pour les olives des branches basses, elles sont arrachées à la main. Cette pratique est abandonnée désormais, pour les dommages qu'elle cause aux fruits. La méthode est donc délaissée au profit d'autres techniques moins préjudiciables. Maintenant, les cueilleuses utilisent des escabeaux, au lieu des perches, pour atteindre les hautes branches. On emploie également des peignes à olives pour cueillir les fruits. Les gaules sont toujours présentes dans les vergers, mais elles ne sont plus utilisées pour secouer les branches. Ce sont de longs bâtons à crosse que les femmes hissées sur les escabeaux emploient pour ramener les hautes branches à leur hauteur. Les branches qui échappent aux mains sont prises dans la partie recourbée de la perche et abaissées à la hauteur voulue. Les olives arrachées sont recueillies dans des corbeilles ou des seaux que les cueilleuses portent au bras. Pour éviter que les fruits qui tombent se gâtent, on étale préalablement une large pièce de bâche ou de plastique au pied de l'arbre. UN APRèS-MIDI DANS UNE OLIVERAIE El Watan a été convié, samedi dernier, à assister à une partie de cueillette dans une plantation d'oliviers dans la commune de Chigara, au nord de Mila. Lieu : la localité Laâyayeche. Temps : samedi après-midi. La localité Laâyayeche est habitée par l'Arch des Benayeche, dont elle tire son nom. Chaque famille de l'Arch a, au moins, une oliveraie. Il y a celles qui en possèdent plus d'une dans la région. A notre arrivée dans le verger, en compagnie du propriétaire, on a tout de suite constaté l'existence de quelques escabeaux au pied des arbres. Les cueilleuses étaient invisibles dans les branches, mais les tas d'olives étaient là, amoncelés sur des bâches. Le silence des lieux n'est rompu que par intermittence par des appels de cueilleuses qui demandent qu'on leur donne la perche, ou encore le léger chuintement que produisent les peigne à olives en courant le long des rameaux. Vers 14h, une femme et deux enfants accompagnés de deux chiens arrivent dans le verger. La femme portait un grand plat (Gasaâ) de couscous de blé au poulet, un enfant transportait un ballot de galette d'orge et du lait caillé dans un bidon : c'était des membres de la famille du propriétaire du verger qui apportaient à manger aux cueilleuses. Les femmes abandonnent le travail et se réunissent sous un soleil radieux, dans un coin relativement dégarni d'arbres. Le spectacle rappelle à se confondre les pique-niques en montagne. Et pendant qu'elles mangeaient, le propriétaire des lieux nous invita à découvrir la plantation. On s'est éloigné dans notre promenade jusqu'à l'extrême limite de l'oliveraie. Et là, surprise, on découvre, sur la haie faite de plantes d'opuntia, des figues de barbarie. Oui, plusieurs des opuntias qui formaient la clôture de cette propriété, étaient encore chargés de figues de barbarie. « Je ne suis pas venu dans ce coin du verger depuis l'été, je n'ai donc pas vu tous ces fruits », nous dira notre hôte. Puis, il appelle ses enfants et leur demande de les cueillir pour les femmes. Habitués à ce genre d'exercice, les enfants remplissent deux bons seaux de ces figues au bout d'une poignée de minutes ; ils en ont arraché près de deux cents unités. Elles étaient aussi fraîches et aussi délicieuses et sucrées que celles qu'on mange d'habitude en août. Dépouillés de leurs peaux, ces fruits ont fait le régal des travailleuses et du groupe d'hommes invité par le cultivateur.