Cela ressemble de plus en plus à un soulèvement d'une partie de la population et le pouvoir ne sait pas jusqu'où cela va aller. L'interpellation, à deux reprises, d'Eric Drouet, un des fondateurs du mouvement des «gilets jaunes», démontre l'inquiétude des autorités publiques françaises. La contestation aux relents politiques réaffirmés à la fin de l'année 2018 ne s'est pas interrompue au moment des fêtes. Un signe fort d'un malaise dans la société que les réponses de la présidence de la République n'ont pas désamorcé, surtout que le maintien de l'ordre a fait beaucoup de mal avec des dizaines de blessés, tant parmi les «gilets jaunes» que chez les lycéens qui s'étaient joints au mouvement en décembre dernier. De plus, pour les revendications à plus de justice sociale, il n'y a pas eu de trêve des confiseurs. Même le 31 décembre, ils étaient des centaines à manifester, notamment sur les Champs-Elysées. Cela préparait déjà l'acte VIII des samedis de manifestation qui est annoncé pour aujourd'hui. La tension est déjà montée jeudi avec notamment l'interpellation en flagrant délit de cinq personnes qui s'en prenaient à une barrière de péage d'autoroute, en Dordogne, selon le site d'information 20 Minutes. Quant au journal La Dépêche du Midi, il annonçait que «50 à 70 personnes ont allumé un feu de palettes et de pneus, ce jeudi soir, sur la voie d'accès au dépôt pétrolier Total de Lespinasse, dans la banlieue de Toulouse. A l'arrivée des gendarmes, ils ont quitté les lieux pour prendre la direction du dépôt Esso à Fondeyre en allumant de nouveaux des palettes». Là-aussi cinq personnes ont été interpellées. C'est dire si la mayonnaise semble monter dans le pays, créant une situation de moins en moins contrôlable. Ainsi, dans une lettre de quatre pages, diffusée jeudi sur la page Facebook La France en colère, qui réunit près de 300 000 personnes, les «gilets jaunes» s'adressent au président Macron. «La colère va se transformer en haine si vous continuez, de votre piédestal, vous et vos semblables, à considérer le petit peuple comme des gueux, des sans-dents, des gens qui ne sont rien», préviennent-ils, répondant aux vœux du Président le 31 décembre. Le chef de l'Etat avait alors parlé de ceux qui «prennent pour prétexte de parler au nom du peuple», mais qui ne sont «que les porte-voix d'une foule haineuse». «Vous dénoncez maintenant, lors de vos vœux, des excès, des débordements ? Vous parlez sans nul doute des exactions de vos forces de l'ordre à l'égard des citoyens», se moquent les «gilets jaunes». UN APPEL à MANIFESTER SANS GILET JAUNE La lettre sera lue aujourd'hui devant l'Hôtel de Ville à Paris. La France en colère appelle en effet à un rassemblement, qui a été déclaré sans gilet jaune, devant la mairie puis à une marche jusqu'à l'Assemblée nationale. Des rassemblements sont également programmés dans les régions. En outre, les «gilets jaunes» disent au Président qu'ils se méfient «de la mise en place de votre plan de consultation nationale». Ils estiment que le grand débat national, annoncé à la fin 2018, ressemble à un «piège politique». «Nous ne sommes pas résignés en effet, nous nous rejoignons, nous pouvons faire mieux et nous ferons mieux. Et, oui, nous irons plus loin», disent-ils à la fin de leur message qui suggère aussi «aux citoyens de France qui ont adopté ce gilet jaune comme signe de protestation de le retirer et de se présenter dans les rues, sur les places, comme les simples citoyens qu'ils sont, sans gilet jaune, sans arme face aux grenades et aux matraques». Enfin, dans un remake de la marche de soutien au général de Gaulle qui avait mis fin au soulèvement de Mai 1968, deux collectifs (Stop. Maintenant, ça suffit et Les foulards rouges) ont soudainement appelé à une manifestation de soutien au président Macron le 27 janvier. Lancée là-aussi sur Facebook, la «Marche républicaine des libertés» veut faire contrepoids aux «gilets jaunes». Laurent, un ingénieur toulousain, proche du parti présidentiel, explique au micro d'Europe 1 : «Ce n'est pas une opposition aux ”gilets jaunes”, mais une marche avant tout pour la fin des blocages, la fin des violences, un retour au calme et qu'on fasse la place au dialogue.»