Durant trois jours, soit du 27 au 29 décembre dernier, les amateurs du quatrième art ont pu découvrir, au niveau du théâtre municipal d'Alger-Centre, la pièce Thafadali ya anissa, écrite et mise en scène par l'infatigable Lamri Kaouane. Lever de rideau sur une lumière des plus sombres, mais un fond musical typiquement sétifien, introduisant le public dans une ambiance euphorique. Au bout de quelques secondes, l'éclairage de face et à contre-jour se concentre sur un personnage bien singulier. Sapé d'un pantacourt, d'un gilet et d'une chemise rouge, ce bonhomme aux lunettes est concentré sur son télescope. Il semble surveiller quelqu'un ou quelque chose. Le décor est des plus simplistes et minimes à la fois. On aperçoit au loin à gauche un sas lumineux de sécurité douanier et à droite une petite table – surélevée d'une tablette – sur laquelle est posé un bloc-notes et un transistor rouge. Alors que l'homme, aux mimiques rigolotes est en pleine surveillance frontalière, des chiens se démènent dans des aboiements stridents. Même si le personnage de Khemisti commence à justifier sa présence dans cet endroit isolé, le spectacle peine à démarrer sérieusement. Ces lenteurs enregistrées au départ sont vite escamotées par l'entrée sur scène d'une silhouette, emmitouflée dans un hidjab noir. Intrigué par cette apparition soudaine, Khemisti, qui est en faction, demande à la personne en question de décliner son identité, tout en ne manquant pas de lui rappeler que ce poste frontalier est privé et payant à la fois. Il faut dire que le terrain sur lequel Khemsti applique sa loi est un héritage de son paternel. N'ayant pas trouvé un boulot à sa convenance, il a décidé de travailler à son propre compte en érigeant ce poste de douane frontalier. Cette intrigante silhouette semble, a priori, muette. Elle balbutie des mots inaudibles, aidée en cela par des mimiques loufoques que Khemisti devine en filigrane. Cette personne veut franchir la frontière pour découvrir l'éden. Après une longue hésitation, elle décide de retirer son habit noir pour être identifiée. Khemisti bégaye à son tour quand il découvre cette créature de rêve. Cette dernière, répondant au nom de Houaouria, lui explique son désir de quitter définitivement l'Algérie pour un avenir plus prometteur. Elle se justifie en lui disant que les passe-droits sont légion dans tous les secteurs algériens. Sa vie est des plus moroses depuis que sa mère s'est exilée en France, poussant son père à se remarier avec une femme haineuse et possessive à la fois. Si Khemisti tombe sous le charme de cette belle jeune fille de 25 ans, il est très vite rattrapé par le bons sens. Il est formel : pas question pour lui de laisser toute beauté traverser le poste frontalier. Et puis, il est convaincu que Houaouria est la femme de sa vie tant rêvée. Leurs sentiments l'un envers l'autre sont tels qu'ils finissent par se promettre amour et fidélité. La pièce théâtrale ubuesque Thafadali ya anissa, d'une durée d'une heure, a été interprétée par les jeunes comédiens Aya Kherfi et Billel Krache, lesquels ont fait leur baptême du feu sur les planches du théâtre municipal d'Alger-Centre. Cette pièce théâtrale gagnerait à être rodée davantage pour parer à certaines imperfections tant au niveau du jeu scénique qu'à l'enrichissement de l'écriture du texte. Il est à noter que la pièce en question fera l'objet, prochainement, d'une tournée nationale, qui sera suivie par des représentations en Tunisie, au Maroc, en Jordanie et en Egypte.