– Vous êtes nommé, depuis maintenant 2 mois, à la tête de l'une des plus grandes entreprises en Algérie. Quelles sont vos premières impressions sur le pays ? Je vous le dis en toute sincérité. D'abord c'est un magnifique pays, j'ai été appelé à faire quelques voyages, pour l'instant dans le cadre professionnel, pour m'en rendre compte. C'est aussi un pays aux potentialités immenses. Mais ce qui m'a le plus marqué en arrivant en Algérie, ce sont les personnes, mes collaborateurs, leurs sourires et la qualité de l'accueil que j'ai reçu, et ce, à tous les niveaux de la société algérienne. Je me sens très bien en Algérie, en sécurité. Cela me donne envie de travailler pour le développement du pays. – Le secteur des matériaux de construction est certainement un domaine où vous avez fait tout votre parcours professionnel… J'ai rejoint le groupe LafargeHolcim il y a 21 ans en tant que directeur de la stratégie plâtre, puis j'ai occupé différents postes, comme directeur général dans différents pays, le dernier en date étant directeur général pour le Liban et Chypre. Je pense avoir une bonne expérience des marchés en plein développement comme celui de l'Algérie. Mon style de leadership est surtout tourné vers les personnes, avec la ferme volonté de mettre mes équipes en responsabilité pour délivrer durablement une performance supérieure. Je pense être une personne simple, abordable mais aussi exigeante sur le respect des engagements avec l'obsession de mettre de la vitesse dans l'exécution de nos tâches, avec une très forte valeur que représente l'intégrité. – L'arrivée de Lafarge en Algérie, réalisée essentiellement suite à l'acquisition de l'activité ciment du groupe Orascom, a été plutôt difficile. Aujourd'hui, le groupe s'est considérablement développé et vous employez 4500 travailleurs. LafargeHolcim semble même bien installée en Algérie. Comment une acquisition aussi problématique est-elle devenue l'un des grands pourvoyeurs d'emplois dans le pays ? En toute modestie, nous pouvons dire aujourd'hui que LafargeHolcim en Algérie est l'une des plus belles histoires industrielles du pays de ces dix dernières années. Nous en sommes très fiers. Dix années après notre entrée sur le marché algérien, nous employons plus de 4500 collaborateurs, nous sommes présents sur toute la chaîne de valeur des matériaux de construction : agrégats, bétons prêts à l'emploi, mortiers, plâtres, ciments, distribution, sacs, logistique, services, laboratoire de la construction, etc. au travers de tous les modèles d'affaires : 100% propriétaire sur certains actifs, comme nos cimenteries de M'sila, Oggaz, l'activité BPE – en partenariat privé-public dans l'activité plâtre avec le groupe Cosider (Colpa Bouira) et le Gica dans la cimenterie de la SCMI à Meftah –, en partenariat privé-privé avec le groupe Souakri dans la cimenterie Cilas à Biskra et l'usine des Ciments et Mortiers d'Algérie. Ce parcours tout à fait remarquable a été rendu possible grâce à trois facteurs principaux : – tout d'abord, un marché domestique de la construction très important. L'Algérie, grâce aux programmes de construction lancés par les pouvoirs publics, se positionne comme l'un des marchés les plus importants du continent africain. – Puis, un engagement sans faille de notre groupe en Algérie. Nous avons continuellement investi en Algérie. Nos actifs sont importants, l'Algérie fait aujourd'hui partie du top 10 pays de notre groupe, qui est le leader mondial des matériaux de construction. Nous avons aussi beaucoup œuvré pour le transfert du savoir-faire, 99% de nos employés sont algériens avec des talents reconnus dans notre groupe. – Enfin, un support continu des pouvoirs publics dans l'exécution de nos plans d'affaires. En résumé, une économie de la construction en Algérie qui se porte bien avec beaucoup de potentialités, une bonne dose de confiance dans l'avenir de ce pays et notre volonté de contribuer le plus fortement possible au développement économique, social et environnemental de l'Algérie sur le long terme – Depuis quelques mois, vous avez commencé à exporter votre produit, le ciment. Mais LafargeHolcim n'est pas seulement dans la production du ciment, vous avez investi d'autres créneaux. Votre groupe se développe même très vite, comment avez-vous pu convaincre et vous placer ainsi dans le paysage économique algérien, malgré un climat des affaires que beaucoup pensent difficile ? Aujourd'hui, nous faisons face à d'importantes surcapacités de production de ciment, qui s'accroîtront durant les prochaines années. Dès lors, notre responsabilité en tant qu'opérateur économique est de contribuer à assurer les débouchés commerciaux de cette massive surproduction. Car, in fine, ce sont des emplois à préserver et des financements à rembourser. L'exportation est un vrai relais de croissance. Cette année, nous exporterons près de 1 million de tonnes de ciment et clinker avec un objectif de plus de 2 millions de tonnes en 2020. Nous avons aussi lancé nos solutions route à base de liant hydraulique Ardia, qui permettent de construire et de rénover durablement les routes de manière plus économique, plus rapide tout en réduisant l'empreinte environnementale. L'autre moteur de croissance, c'est l'innovation avec le lancement d'une gamme complète de mortiers, comme par exemple, le lancement, ce mois, de notre solution en rupture d'isolation thermique des bâtiments Airium afin d'améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments et une toute nouvelle activité de co-incinération des déchets en cimenterie sous la marque Geocycle. Nous allons également intensifier la promotion du ciment blanc produit à notre cimenterie d'Oggaz. Le ciment blanc permet de construire en béton brut de décoffrage blanc ou teinté dans la masse, notamment pour la construction des équipements publics (stades, écoles, universités, hôpitaux…), permettant ainsi d'éviter l'utilisation de revêtements de façade coûteux (pose, entretien) et souvent inesthétiques, tout en offrant une plus grande rapidité de construction et la garantie d'une durabilité exceptionnelle. Nous avons aussi investi dans un laboratoire de la construction ultra performant situé à Rouiba, qui permet d'accompagner nos clients dans la mise en œuvre de nos solutions innovantes, notamment dans la formulation des bétons très souvent utilisés dans des zones sensibles à forte sismologie. L'Algérie est devenue un marché mature sur le plan des produits. Aujourd'hui, notre ambition est de fournir des solutions innovantes, faciliter la vie de nos clients avec une offre produits et services de premier plan avec plus d'applications digitales, et de hisser notre entreprise à son meilleur niveau afin que le pays et toutes les parties prenantes puissent tirer pleinement profit de la présence et des atouts d'un leader de classe mondiale comme LafargeHolcim. Concernant le climat des affaires en Algérie, rien n'est très facile nulle part aujourd'hui. Le fait est que les opportunités sont là avec des compétences locales présentes. L'Algérie se développe vite, ses potentialités sont immenses, à nous, opérateurs économiques, de faire preuve de persévérance, de professionnalisme, de créer de la valeur partagée pour tous en totale intégrité afin de prendre notre place d'entreprise citoyenne dans l'écosystème économique. – Avec le marché de la construction de l'autoroute qui sert de relais à la nouvelle ville de Sidi Abdellah et le développement d'autres solutions pour le secteur des travaux publics, LafargeHolcim semble tourné vers d'autres investissements. Quelles sont vos projets pour les années à venir ? Nous souhaitons rester dans les métiers que nous maîtrisons bien. En ce qui concerne le secteur des travaux publics, nous travaillons étroitement avec le ministère de tutelle afin de proposer nos solutions route, les choses avancent et nous espérons pouvoir démontrer toute l'efficacité de notre solution sur l'axe routier qui mène à la nouvelle ville de Sidi Abdellah. Ce chantier test est très important pour nous et toutes les parties prenantes du projet.Nous espérons que cette réalisation marquera le tournant des techniques de construction des routes en Algérie. Nous proposons aussi toute une gamme de bétons décoratifs pour améliorer à la fois la durabilité et l'esthétique des trottoirs et des voiries. Nous avons d'ailleurs un partenariat avec la wilaya d'Alger, qui fonctionne bien, avec une très belle référence qu'est la place des Martyrs d'Alger. L'autre secteur que nous connaissons bien est le secteur pétrolier. Nous envisageons d'investir afin de localiser la production des ciments pétroliers en Algérie compte tenu des programmes très importants d'exploration des hydrocarbures non conventionnels qui s'annoncent, et pour toujours mieux servir nos clients. – Trouvez-vous que la réglementation en Algérie offre des perspectives, ou souhaiteriez-vous qu'elle s'améliore pour qu'elle devienne plus attractive pour les investissements étrangers ? Nous faisons avec la réglementation en vigueur. Maintenant, les grands défis qui s'imposent à nous tous, et en particulier aux entreprises qui joueront un rôle important dans l'économie du pays, sont le changement climatique et la diversification des revenus extérieurs hors hydrocarbures de l'Algérie. Chez LafargeHolcim Algérie, nous y travaillons ardemment. A la fois au travers de notre programme ambitieux d'exportation et du lancement de nos solutions innovantes vertes, comme en témoigne notre activité Geocycle, à cet effet, nous sommes en train de réceptionner la première station d'éco-valorisation des déchets à notre cimenterie d'Oggaz (wilaya de Mascara) et le lancement de la solution en rupture en matière d'isolation thermique des bâtiments Airium. Nous croyons aux potentialités de l'Algérie et nous sommes prêts à contribuer durablement à construire l'Algérie de demain, car ce pays le mérite bien.
