A l'occasion du 25e anniversaire de l'assassinat d'Ahmed Asselah et de son fils, Rabah, une cérémonie de recueillement a eu lieu, hier matin, à l'Ecole nationale des beaux-arts d'Alger. Organisée par la fondation Asselah Ahmed et Rabah, la cérémonie s'est déroulée en présence d'une assistance clairsemée, composée, entre autres, par le ministre de la Culture, Azzeddine Mihoubi, Monseigneur Duval, Karim Sergoua, Jaoudet Gassouma, Louisa Zamoum, Mokrane Zerka et Abdelkader Boumala. Cette commémoration a été étrennée dans un premier temps par un recueillement sur le lieu du crime, où une minute de silence a été observée, après le dépôt d'une gerbe de fleurs. Le recueillement s'est poursuivi au niveau de la bibliothèque de l'ESBA, où sept étudiants de l'Institut supérieur de musique d'Alger ont exécuté des morceaux de musique classique, sous la direction de la doyenne Kheïra Mokrane. Prenant la parole, le président de la fondation Asselah, le Dr Hocine Asselah, a affirmé que «la jeunesse algérienne doit être pleinement instruite de son passé récent et ancien, de toutes les dérives intégristes, obscurantistes, des extrémismes moyenâgeux qu'a connus le pays afin qu'elle aiguise ses armes pour mieux affronter l'avenir. Les anniversaires ne valent que s'ils constituent des ponts jetés vers l'avenir». L'orateur se pose la question suivante : Ne faut-il pas envisager une commémoration grandiose, à l'image de leur sacrifice, incluant tous les martyrs de la période tragique, une grande fresque de cette Algérie à feu et à sang et qu'animerait de ses talents et de ses arts cette intelligentsia disparue ? Nous pensons à quelques-uns d'entre eux : Tahar Djaout, Abdelkader Alloula, Matoub Lounès, Mahfoud Boucebci, Djillali Belkhenchir. Hocine Asselah est convaincu que notre jeunesse a besoin de repères, de valeurs authentiques, d'une histoire vraie non édulcorée, non travestie et qui mette en scène ses vrais héros. «L'exemple de l'Algérie par les combats que son peuple a menés est unique dans l'histoire des peuples. Peu de pays ont pu se relever de tant d'atrocités, supporté et souffert tant d'horreurs, de drames et de tragédies. Mais nul ne peut arrêter le cours de l'histoire», dit-il. L'ancien archevêque d'Alger, Monseigneur Henri Teissier, nous a confié en aparté qu'il est heureux de constater que la haute personnalité du regretté Ahmed n'a pas été oubliée. «Je l'avais vu, se souvient-il, 15 jours avant son assassinat à l'Ecole des beaux-arts. J'étais avec tous les amis de l'école pour son enterrement. Nous remercions le professeur Hocine Asselah, son cousin, d'être fidèle, d'organiser ces rencontres et d'en donner un sens, pour qu'à l'avenir on puisse construire une Algérie, et que les droits de chacun soient respectés et qu'il n'y ait plus de retour sur ce qu'on a connu pendant cette période. Nous-mêmes avons eu des victimes, et nous les avons célébrées à Oran en décembre 2018. Nous sommes reconnaissants au ministre des Affaires religieuses et aux autorités qui nous ont permis de vivre cette célébration et de donner hors de l'Algérie le signe du vivre-ensemble dans la paix. Nous voulons faire partie de ce vivre-ensemble en paix». L'infatigable et talentueux artiste-peintre et plasticien, Karim Sergoua, a du mal à trouver ses mots pour évoquer les Asselah : l'époux, Ahmed, l'épouse, Anissa, et le fils, Rabah, tant l'émotion l'étrangle. Il finit par nous dire que la mémoire et le moment sont toujours aussi vivaces. «Le 4 mars, avoue-t-il (avant-hier) ndlr, j'étais dans la même situation morale et physique pendant toutes ces 25 années. Chaque fois, je me dis qu'est-ce qu'on va faire ? Qu'est-ce qu'on va dire ? Est-ce qu'on va se rencontrer? Est-ce qu'on va se remémorer ce grand monsieur et son fils avec un clin d'œil à sa femme Anissa qui est morte tragiquement le 13 mars 2000. C'est vraiment une semaine de recueillement et de deuil qu'on vit». Et d'ajouter : «Se rappeler Ahmed et Rahah c'est douloureux. J'ai eu le plaisir d'être l'étudiant d'Ahmed. C'était ensuite mon directeur et mon collègue, puisque dès que j'ai eu mon diplôme, j'ai été recruté et j'ai eu à travailler avec lui. J'ai eu des cartes blanches où j'ai fait plein de choses à l'école grâce à lui. Je ne serais jamais assez reconnaissant pour ce qu'il a fait pour moi et pour les jeunes de mon époque, tels que Abdelkader Belkhorissat, Adlène Djeffal, ou encore Hachemi Ameur. Le regretté fait tellement de choses pour ces jeunes créateurs et pour l'art et la pédagogie. On avait des sorties avec Martinez, alors qu'aujourd'hui aucune sortie n'est autorisée». Karim Sergoua rappelle que les amis et les anciens de la fondation Asselah ont organisé un hommage en 2014, à l'occasion de 20e anniversaire de leur assassinat. Une grande fresque collective composée de peintures et de photographies a été réalisée avec le concours des élèves de l'Ecole et des amis de l'ancien directeur assassiné. Près de 700 peintures, photographies et poèmes ont été ainsi rassemblés pour tapisser la salle de conférences de l'école. Karim Sergoua révèle qu'il est en train de préparer, pour 2020, le 20e anniversaire de la disparition d'Anissa Asselah. «Des gens commencent à travailler déjà. Le 13 mai 2020, nous ferons quelque chose de grandiose pour Anissa ainsi que pour Ahmed et Rabah. Cette commémoration ne se fera pas au nom de la fondation Asselah mais sous la houlette de l'association Anissa Culture Action, même si on n'a toujours pas l'agrément». Il est à noter que dans l'après-midi d'hier, les deux lauréats du concours destiné aux peintres algériens, amateurs et/ou professionnels ont été dévoilés.