A l'occasion de la sortie en France de son quatrième album Il était un voyage, le bluesman Karim Albert Kook revient sur la conception de ce dernier-né musical, tout en ne manquant pas de souligner que son vœu le plus cher reste la réalisation d'une tournée en Algérie. – Vous venez tout juste de sortir, en France, votre quatrième album intitulé Il était un voyage, dans lequel vous rendez hommage à l'Afrique et au défunt musicien, «Bill l'Américain»… Je suis très heureux de parler de mon quatrième album portant le titre Il était un voyage. Je dirais que cet album est sorti spontanément et qu'il a nécessité deux ans de travail. A travers cet album, je rends hommage à un ami, «Bill l'Américain», qui est décédé il y a deux ans. C'est lui qui m'a inspiré pour la chanson Barbès city limit blues et pour la réalisation du présent album. Il était un voyage se veut également un hommage plus particulier à l'Afrique dans son ensemble. L'album est coréalisé avec le grand batteur franco-camerounais Félix Sbal-Lecco. Ce dernier a joué aux côtés de grands musiciens, à l'image de Peter Gabriel, Prince, Sting, Jeff Beck, Salif Keïta ou encore Alan Stivell. Il a aussi accompagné sur scène des artistes français, tels que France Gall et Michel Jonasz. Il est à noter que Félix Sbal-Lecco est venu avec moi à Alger en 2014 pour un concert dans le cadre de la manifestation «L'été en musique», à Riadh El Feth. J'ai voulu le garder pour réaliser mon quatrième album. Sinon, Il était un voyage compte douze chansons aux thèmes aussi divers que variés, tels que, entre autres, l'amour, l'amitié, le voyage, la vie et le grand départ vers l'infini. Je tiens à préciser que je suis l'auteur de la plupart de mes chansons, excepté deux titres. Il y a le titre Travailler, c'est trop dur, qui est emprunté à la tradition du cajun de la Louisiane. Il y a aussi la participation exceptionnelle du grand blusman Bill Deraime en duo sur le titre Il faut que je me tire. Par ailleurs, il est à noter que j'ai utilisé des extraits de deux tableaux d'Ajomo, artiste peintre camerounaise, pour l'illustration de la pochette de mon album. – Dans votre nouvel album Il était une fois, vous offrez du blues à volonté, mais avec un zeste modéré de sonorités africaines et maghrébines… Comme je le disais, Félix Sbal-Lecco s'est beaucoup investi avec moi pour réaliser mon dernier album. Comme c'est un Camerounais d'origine, il m'a inspiré sur toutes les rythmiques et tous les arrangements pour donner une couleur très particulière à ce disque. On voulait que cet album ressemble à ce que nous étions. La rencontre à Riadh El Feth a été pour nous déterminante sur ce projet. – Comment définiriez-vous votre style musical ? Ma musique est un blues moderne sans limite de frontières. J'appellerais cela du blues world. Je prends les mêmes principes que les pionniers du blues ont utilisés. C'est-à-dire faire évoluer cet esprit de la musique, ce genre musical, au fur et à mesure des rencontres. Le blues n'est pas statique. Il a toujours évolué selon les gens qui l'ont inspiré. Le blues en lui-même est une musique qui nous vient du Mali, tel qu'on peut l'imaginer à la John Hooker. En réalité, le blues n'est pas figé. Il est parti en Amérique pour rencontrer l'Europe. Comme, malheureusement, les Noirs africains sont partis en Amérique en esclaves. Ils ont été contraints d'apprendre la musique des Européens. Ce faisant, ils ont mélangé leur culture à celle des Européens. C'est ce que nous avons aujourd'hui. J'ai voulu garder le même état d'esprit que le blues m'a donné, en mélangeant mes racines d'Algérie avec celles de l'Europe et de l'Amérique. Il faut dire que j'aime beaucoup la musique américaine. – On retrouve aussi beaucoup de sonorités algériennes sous forme de clins d'œil… A travers ma musique, j'essaye d'imaginer que le monde est ouvert. Le blues est un genre sociétal qui conduit l'individu à s'exprimer et à s'extraire de son quotidien, et ce, par un cri de douleur ou encore de joie. Ce cri s'étend du chaâbi à l'andalou, en passant par le gnaoui et la musique classique. Je dirais que c'est dépasser le quotidien par les notes. – Pour l'enregistrement de votre dernier album, vous vous êtes entouré de musiciens exceptionnels… Disons que je me suis entouré de musiciens avec qui j'ai l'habitude de travailler, mais il faut dire que je leur ai donné aussi une part d'imaginaire. On a essayé de faire quelque chose dans la tradition du blues avec des structurations que les musiciens vont reconnaître. L'album est réalisé par Felix Sabal-Lecco, qui joue également de la batterie et fait les chœurs sur l'album. On retrouve Maurice Zemmour, Henri Dorina et Thierry Jasmin Banaré à la basse, Kamel Tenfiche (membre permanent de l'orchestre national de Barbès) à la percussion, Dominique Sablier keyboards et Nadim Guarfi au violon, Patrick Artéro à la trompette buggle, Taoufik Bargoud au oud, Ukulélé à la flûte traversière, Xavier Laune et Edouard Bineau à l'harmonica, et l'immense Iness au chœur et voix féminines, avec la participation exceptionnelle de Bill Deraime, en duo sur Faut que je me tire ailleurs. – Comment s'est faite votre rencontre avec le blues ? La rencontre s'est faite quand j'étais enfant. J'écoutais de la musique à travers les postes radio que mon frère m'avait offert jusqu'à l'âge d'avoir une guitare. Dans le centre hospitalier de rééducation toulousain en France, où j'étais en traitement, j'ai eu l'occasion d'écouter des émissions radiophoniques, notamment l'émission «Loupe Garou», réalisée par Patrice Blanc Francard. Cet animateur faisait passer beaucoup de rock, de contry et de blues des Etats-Unis et d'Angleterre. J'ai donc découvert via les ondes de la radio les Rolling Stones, les Beatles et l'incontournable Jimi Hendrix. Cela m'a tout de suite touché. Je me suis senti, naturellement, porté par ses influences. Une fois au collège, un autre de mes frères m'avait offert la guitare de mes rêves et qui a été, reconnaissons-le, déterminante dans le début de ma carrière. Je me souviens qu'à l'âge de 16 ans, les rencontres heureuses se sont enchaînées. Et puis, un beau jour, en concert en Hollande, j'ai rencontré une personne qui m'a offert un premier disque au son ouf. Et cela a été la révélation. Je me suis dit : c'est cela que je vais jouer. C'est quelque chose de beaucoup plus viscéral et restrictif à la fois. Après, avec le temps et les rencontres, cela est devenu plus sophistiqué. Quand j'ai rencontré B. B. King, il m'a dit que cela serait bien que je chante mon blues. Au départ, j'ai eu du mal à comprendre ce qu'il voulait dire, mais après j'ai compris que cela voulait dire que le blues est une affaire de chacun. Le blues, c'est l'histoire de l'interprète qui va s'identifier aux personnes qu'il va rencontrer. – Le blues vous a permis de faire des rencontres fabuleuses et de jouer aux côtés de pointures internationales… Effectivement, j'ai croisé des artistes assez connus, tels que B. B. King, qui a été un déclencheur de ma carrière, mais en même temps j'ai rencontré un voisin à Paris, Pierre Thomas, qui m'a beaucoup apporté. C'était un grand maître du Texas blues. J'ai rencontré aussi Luther Allison, qui m'a apporté de belles choses et qui m'a fait l'honneur de jouer avec moi sur deux titres. J'ai aussi joué avec Patrick Verbeke, Bill Deraime ou encore Amar Sundy. Le blues m'a permis de rencontrer beaucoup de personnes intéressantes à plus d'un titre. – Vous êtes en pleine promotion de votre album en France, mais à quand sa sortie en Algérie ? Mais bien sûr, je voudrais que cet album soit disponible en Algérie. Pour l'instant, les éditeurs que je connais ou qu'on m'a recommandés ne me conviennent pas. Ce qui cloche, c'est quand vous donnez votre travail à quelqu'un d'autre, normalement il doit y avoir une garantie de travail. Aujourd'hui, les gens ont accès à des choses rapides via internet. Si la personne ne fait que prendre vos droits, c'est un peu frustrant. Si la personne en question n'est pas un développeur, ce n'est pas intéressant pour moi en tant qu'artiste. Si je trouve quelqu'un qui a une projection de travail qui correspond à ce que je fais, je suis tout à fait ouvert à toute forme de collaboration. Je suis touché de voir que j'ai des fans en Algérie. J'ai envie de leur offrir cette possibilité d'écouter mes albums. C'est pour cela que je suis en train de voir avec des partenaires en Europe pour la distribution de mon album sous forme de plate- forme. Ceci étant, lors de mon passage à Alger, récemment, j'ai pu me rapprocher de l'ONDA qui m'a promis de m'aider afin que l'album soit disponible en Algérie. – A quand une tournée nationale de Karim Albert Kook en Algérie ? C'est quand vous voulez (rires). Je ne demande que ça. S'il y a une possibilité nationale avec des tourneurs sérieux, pourquoi pas ? Pourquoi ne privilégier qu'Alger ? J'aimerais bien aussi retrouver mon public de l'Est, à l'Ouest et au Sud. Je l'avais annoncé une première fois que je voulais me produire un peu partout dans mon pays, mais c'est un peu ma faute avec ma vie familiale, j'ai dû lever un peu le pied sur certaines façons de travailler. Pendant longtemps j'étais concentré avec mes enfants, car cela me tenait à cœur de m'en occuper. Maintenant, je peux reprendre les choses en main. Si j'ai des contacts un peu plus consistants, je suis preneur. Pour ne rien vous cacher, c'est mon désir et mon vœu d'être un peu plus représenté et présent dans mon pays. Si des opportunités sérieuses se présentent, je serais heureux d'être présent avec vous. Je ne perds pas espoir. Il y a un vent nouveau qui est en train de souffler sur l'Algérie. – Quels sont vos proches futurs ? Là, je suis en train de monter une série de dates de concerts en France. Je viens d'être contacté pour me produire au Maroc.