Les citoyens de Boumerdès démontrent à chaque fois un sens aigu de l'adaptation à l'actualité au fil des vendredis. En effet, dans l'attente que d'autres manifestants affluent et grossissent les rangs de la procession, ils forment d'abord un rassemblement sur la placette du Madaure, à côté du siège de la daïra. Puis, ils entonnent des chants et des mots d'ordre hostiles au pouvoir. La nouveauté, c'est qu'un tour de parole est donné aux gens qui forment le grand cercle. Un jeune leur présente le micro d'un haut-parleur et l'intervenant propose des phrases que l'assemblée reprend en refrain. Certains citoyens s'y sont déjà préparés et lisent carrément des vers de diatribes contre les «2B» (Bensalah et Bedoui) qui s'accrochent encore. Une fois la foule réunie, la marche commence avec un drapeau national au premier rang. La question des élections suscite déjà l'ire des manifestants qui le martèlent à l'endroit de ceux qui veulent les maintenir : «Les élections, un droit du peuple que l'armée ne peut imposer». Ils tiennent à leur principale revendication : «Pas d'élections ! Libérez l'Algérie !» Bien plus, les protestataires avertissent le pouvoir que si ce dernier venait à tenter un forcing pour la tenue du scrutin, «Le 4 juillet, il y aura des manifestations». Quant aux derniers événements qui ont marqué l'actualité politico-judiciaire, le jugement du peuple est sans ambages : «C'est une mise en scène. Arrêtez le feuilleton.» Un écriteau précise : «Le peuple demande la justice de la justice». C'est clair, la volonté populaire n'a pas failli un instant à sa ligne directrice initiale. Elle veut «un nouvel Etat moderne et démocratique». Elle clame au même moment son désir de fonder «Un Etat civil, non militaire». Le scénario à l'égyptienne hante les esprits et rencontre un rejet viscéral. La marche se poursuit vers le quartier des 800 Logements, au front de mer. D'autres grappes humaines rejoignent la manifestation qui reprend de sa superbe au quartier Les coopératives, bordé d'immeubles donnant plus de résonances aux mots d'ordre grâce au couloir urbain donnant l'impression de porter la manifestation.
