Pour toute transition, il faut une acceptabilité. C'est à dire un consensus. Une transition acceptée et validée par le peuple. Et ce préalable-là n'est justement pas évident dans notre pays, de l'avis de l'expert en gouvernance Ali Harbi : «Vous n'avez qu'à observer comment les choses se présentent lors des manifestations, chaque vendredi. Tout le monde s'accorde à dire qu'il y a lieu de faire du changement mais tous ne sont pas d'accord sur ce que nous devons changer. Dès qu'on entre dans le détail, on constate que ça part dans plusieurs directions.» Actuellement, il n'y a pas encore de consensus, explique t-il, car «nous ne parlons pas tous le même langage». Ali Harbi parle de l'impact sur «l'acceptation sociale». Autrement dit, «si dans les années qui viennent nous avons des restrictions ou la suppression de certaines subventions et de quelques emplois, il va y avoir ceux qui disent pourquoi vous faites cela et pas autre chose. Cela va donc s'annoncer très difficile, car pour le moment, nous n'avons pas de mécanisme démocratiques pour gérer ces divergences». Ce qu'il faudrait d'ailleurs, «c'est lancer une réflexion». D'ailleurs, au niveau du Cercle d'action et de reflexion autour de l'entreprise (CARE), une deuxième séance du genre sera organisée, uniquement entre Algériens, pour aborder le thème de la définition des tâches économiques de transition. Sommes-nous dans une urgence économique ? Oui. «Les pentes macro-économiques sont de plus en plus défavorables. Jusqu'à maintenant et depuis la chute des prix de pétrole, le gouvernement n'a pris aucune mesure structurelle. Le Titanic continue à se rapprocher de l'iceberg et il ne s'est pas réorienté.» Un autre indicateur est souligné par l'expert ; dans la configuration actuelle des structures économique, la balance commerciale continuera à être défavorable. Puis d'une année à une autre, la part des exportations hors hydrocarbures ne s'est pas réellement développée. Et le temps passe. Concrètement, plus nous avons une vision nette de ce que nous allons et devons faire, plus les gens vont accepter les réformes. Cette vision existe t'elle ? Pour le moment non. Il y en a plusieurs mais pas toutes cohérentes. Pour Ali Harbi, «au niveau du CARE, nous essayons de mettre les gens autour d'une table pour assurer la cohésion. Pas facile. Mais, c'est notre rôle et notre part. Les gens doivent discuter du consensus économique». Peut-on aller à une transition économique sans passer par une transition politique dans le contexte actuel ? «ça va de pair. Ce serait une grave erreur de se focaliser sur les questions politiques et de négliger l'économie. Si on met l'agenda économique au même niveau, voire en complémentaire à l'agenda politique, cela permettra réellement au gouvernement de transition (si gouvernement de transition y a) d'avoir de meilleures orientations, plus claires qu'actuellement.» Mais il y a toujours un déclencheur politique. Y a-t-il un facteur temps ? «Il faut aller vite», car, explique-t-il, si on prend une transition de 6 mois comme beaucoup de facteurs le disent, on ne peut pas rester à parler que de politique pendant cette période. Mais il ne faut pas perdre de vue que jamais le mouvement populaire n'a impacté la situation économique, comme certaines parties veulent lui endosser. Quel modèle ? Selon Ali Harbi, ce n'est pas une question de choix. Le modèle est lié aux ressources, aux moyens et surtout a ce que nous pouvons faire. En d'autres termes, si dans les pays de l'Est il y a eu des thérapies de choc qui ont marché car il y avait aussi un afflux de capitaux qui ont permis que cela se passe vite, cela ne peut pas être évident en Algérie. Exemple : si nous devons privatiser toute l'économie sur une année, le marché doit avoir des repreneurs disponibles qui ne doivent pas opérer sur 10 ans. Ce sont des solutions très rapides auxquelles nous avons des solutions immédiates. On peut avoir notre modèle à nous, basé sur des éléments matériels dont nous disposons réellement. Nous devons, selon l'économiste Ali Harbi, poser la question : quelles sont nos ressources financières réelles, les accros politique, les opportunités et les menaces. Et à partir de là, il est évident que tout gouvernement préférera la démarche socialement acceptable et la moins coûteuse.