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«Faire découvrir au public ce riche patrimoine du Gharnati, Sanaa et El Malouf» Zine Eddine Ghaffour. Musicien, dirigeant de l'association Rahik El Andalous
A la tête de l'association Rahik El Andalous, Z. Ghaffour a organisé à Oran, au TRO, la troisième édition des «Journées printanières de musique andalouse». Il nous livre dans cet entretien les conditions qui ont présidé à la tenue de cette manifestation culturelle, mais aussi le rôle du mouvement associatif dans la transmission de cette pratique sociale traditionnelle, partie intégrante du patrimoine local. – Vous avez organisé «les Journées printanières de musique andalouse» les 12 et 13 juin, qui en sont à la 3e édition, mais avec du retard sur le calendrier habituel. Quel est l'objectif de cette manifestation et à quoi est dû ce décalage ? Elles étaient prévues le 22 mars, coïncidant avec les vacances scolaires, nous voulions à travers ce regroupement de 2 à 3 jours inviter des associations de tout le territoire national et l'objectif est, d'une part, de permettre à nos jeunes de confronter leurs acquis avec ceux des autres formations, et de l'autre, faire découvrir au public ce riche patrimoine composé de trois grands courants que sont el gharnati, sanaa et el malouf, respectivement pratiqués à l'ouest, au centre et à l'est du pays, avec parfois des influences mutuelles. Je préfère parler de région que de villes bien particulières, car à titre illustratif, pour ce qui est du malouf, il y a évidemment Constantine, mais c'est aussi le cas à Annaba, Skikda, etc. Le travail de formation des associations est continu et nous avions voulu par cette initiative montrer ce qui se fait en ce moment. C'est une sorte d'évaluation annuelle. Jadis, il y avait de grands festivals qui étaient organisés par la direction de la jeunesse et des sports à Tlemcen, par le Comité des fêtes, à Alger, par le ministère de la Culture, à Constantine, etc., mais cette tradition a malheureusement disparu et donc avec le retrait de ces instances étatiques, nous avons trouvé une petite formule dans le cadre d'échanges entre les associations, soit sous forme de journées, comme nous le faisons, soit lorsque celles-ci organisent des événements à l'occasion de leurs anniversaires respectifs. Nos journées étaient prévues pour le mois de mars, mais la conjoncture ne nous a pas permis de les organiser en temps voulu. Pourquoi les 12 et 13 juin ? Eh bien, c'est juste pour rester collés à l'intitulé de la manifestation, c'est-à-dire «les Journées printanières», et il fallait donc impérativement les organiser avant l'été. – L'événement ne disposant pas de budget propre, comment procédez-vous ? Etes-vous à chaque fois obligé de demander des aides ? Nos moyens sont évidemment restreints et c'est pour cela que nous tenions à remercier l'ensemble de nos partenaires, la directrice du Palais de la culture et son personnel, le directeur du département de la jeunesse et des sports, qui nous a facilité l'hébergement au niveau des auberges, la wilaya, pour sa contribution avec une petite subvention, et le directeur du Théâtre régional d'Oran, qui a mis à notre disposition la salle où se déroulent les spectacles. Les prestations sont assurées par les troupes El Maqam de Constantine, une troupe de Skikda, El Moutribiya de Biskra et la nôtre qui ouvre et clôt ces journées. Errachidia de Cherchell était au programme, mais ses membres se sont excusés à la dernière minute, car confrontés à des contraintes qui ne leur ont pas permis d'effectuer le déplacement. Nous les avons appelées «Journées», car ce n'est pas un festival. Il faut savoir que notre association a déjà eu le mérite d'organiser 7 éditions du Festival Mdih, à Oran, mais c'était entre 1986 et 1994. Notre but était que l'événement puisse se perpétuer au-delà des personnes. La décennie noire a cassé cette dynamique. A partir de 2017, nous avons repris l'initiative sous une autre forme et nous lançons un appel aux autorités pour nous appuyer dans ce projet. Le public existe et pour preuve, la billetterie n'a pas empêché les gens de venir passer les soirées avec nous pour apprécier cette musique traditionnelle. Nos moyens sont très réduits, mais il y a de la volonté et des hommes qui y croient. Il y a une pratique musicale inscrite dans notre patrimoine qui exige une conservation et donc une vulgarisation par ce genre de rencontres. Nous constatons en plus que les ensembles se rajeunissent et la sauvegarde se fait justement par cette transmission. – Tel que cela fonctionne, il y a forcément des risques liés à la perte de ce patrimoine. En tant qu'association, vous considérez-vous comme garant de cette transmission ? Non seulement il y a une perte, mais l'autre risque c'est la déformation par transmission tant que nous ne nous sommes pas mis d'accord sur le secret de cette musique pour l'officialiser et l'écrire. L'hémorragie est toujours là. La déformation c'est normal, car c'est en fonction de ce qu'on trouve dans le terroir et des cheikhs qu'on côtoie. Sachez que ces derniers ne donnent pas tout et ce sont d'anciennes habitudes héritées de l'époque où «on mangeait du pain» avec. Au milieu de tout cela, nous, les associations, nous remplissons un vide. Il y a des efforts à consentir, car les associations ne sont pas pérennes. A ce propos, rien qu'à Oran, je citerais l'association El Mansourah, fondée par Fouad Benmrah, qui a disparu, et El Assala, de Mourad Guellil, qui a cessé ses activités. A chaque fois j'ai été très touché. Il reste Nassim El Andalous, qui bénéficie heureusement du retour de Yahia Ghoul et d'Ennahdha, la doyenne, fondée en 1964 par le regretté Abderrezak Sekkal, et qui est en ce moment dirigée par Mokhtar Allal, à qui on rend hommage pour le bon travail qu'il fait. La nôtre a été fondée en 1983, juste après EL Mansourah (1979). – El Moutribiya de Biskra a repris une œuvre du terroir, Hiziya, très connue à l'est du pays. L'intérêt n'est-il pas aussi de prendre en charge et de perpétuer cette poésie populaire ? Hyzia est une œuvre de référence à l'est du pays. On la retrouve dans le théâtre et les autres arts. Les membres d'El Moutribiya ont pris cette poésie et l'ont moulée dans cette musique. C'est le cas à l'ouest du pays, où on retrouve les poèmes de Lakhdar Benkhlouf, Mostefa Benbrahem, Belghith, etc. C'est là aussi un moyen de transmission qui mérite d'être étudié.