La conduite désastreuse des affaires publiques nous a égarés dans des impasses ruineuses à cause de coteries indignes, cupides, intéressées, dont le soutien au chef de l'Etat déchu, était trop flagrant, trop suspect pour être dénué d'arrière-pensées. Ces soutiens, en dépit de la réalité, criante et aveuglante, étaient trop hypocrites, gorgés de mensonges, pour être sincères. Le rejet par le peuple d'un 5e mandat, tout aussi ridicule que surréaliste, les a définitivement disqualifiés. En réalité, ces «souteneurs», pour demeurer dans ses grâces, flattaient à qui mieux mieux le président narcissique dans le sens du poil, exigence obligée, pour rester dans la sphère de ses courtisans, élargie aussi à une partie des pseudo opposants, nourris à la mamelle de l'opportunisme et du double jeu, alors que la maison Algérie prenait l'eau de toutes parts ! Secoués par les images diffusées cette semaine par les médias, où les dirigeants d'hier étaient pitoyablement jetés en prison, sous la fureur populaire, nous mesurons l'étendue des dégâts causés par ces repris de justice qui nous dirigeaient, se permettant même le luxe de nous donner des leçons de morale. Piètres dirigeants, mesquins, cupides et sans honneur qui tapaient, sans retenue, dans la caisse publique et qui se retrouvent pour leurs châtiments dans la pire des relégations et des plus humiliants purgatoires. En ce 17e vendredi, les manifestants ont commenté l'actualité à leur manière. En fustigeant toute la bande des inculpés, en mettant toutefois l'accent sur Ouyahia, qui cristallise, à leurs yeux, toute leur rancœur et leur rejet, mais qui n'a pas échappé à leur dérision. «C'est la première fois, qu'il nous contente en rejoignant la prison d'El Harrach !» avaient ils clamé. Les manifestants, face à ces événements inédits, qui n'osent pas croire à un écran de fumée, à un acte d'apaisement des foules déchaînées, ou au pire à un règlement de compte, n'ont pas caché, néanmoins, leur satisfaction suite à l'incarcération de ces piliers du système. D'autant que la lutte contre la corruption est l'une des revendications du hirak, mais ils ne transigent pas sur les exigences essentielles qu'ils continuent à réclamer avec la même ardeur et la même détermination ! Ces «piliers», en fait des tigres en papier, serviteurs zélés, se sont avérés plus inspirés à faire les poches que pratiquer la noble politique ! Le paradoxe dramatique, ce sont ceux-là mêmes qui discouraient sur le poison de l'argent, jurant, la main sur le cœur, qu'il ne les intéressait pas, alors qu'ils s'en servaient illicitement, à grandes échelles, pour grossir leur fortune personnelle indue et exploser, ici et là-bas, leurs comptes en banque ! Ce sont également eux qui ont frayé avec d'autres requins, moins visibles, suceurs de sang, guidés par la seule idéologie qu'ils connaissent : la corruption et la dilapidation des deniers publics. Au pouvoir, ils s'occupaient à gérer au mieux leurs biens personnels et familiaux, acquis sur le dos de la population. Qu'importe une économie à vau-l'eau dans un pays inquiet et apeuré, qui n'a pas livré ses terribles et sombres prévisions d'avenir immédiat. On en est arrivé, grâce à ces abominables pratiques, non pas à un gouvernement au sens usuel admis, mais à une société anonyme d'irresponsabilité illimitée à travers une gestion opaque, délictuelle, qui va impacter le devenir immédiat de la Nation. Comment cette déconfiture a-t-elle pu se produire ? Enivré par la volonté de puissance et du vide créé au sein de la société, le politique, si tant est qu'on puisse lui accoler cet épithète, s'associa à une meute de nouveaux riches, promus d'une manière vertigineuse, pour se permettre par la rapine d'intervenir même dans la décision politique, sans souci pour eux. Qu'importe que les vilénies commises par eux restent sur l'estomac populaire ! Puisque sans le moindre contrôle ils sont assurés de l'impunité, décidée par leur mentor en chef, le président déchu, interpellé avec insistance ce vendredi par les manifestants pour rendre, lui aussi, des comptes. Les manifestants toujours plus nombreux ont démenti l'essoufflement souhaité par les autorités. Ainsi donc, face à la compromission de l'affairisme, aux dépens de l'Etat, qui n'a jamais atteint un tel seuil, nos dirigeants étaient occupés à se remplir les poches, ne pensant jamais au projet du dessein national. Mais en avaient-ils un ? La seule idée qu'ils s'acharnaient à véhiculer mordicus est que le régime infâme qu'ils représentaient devait encore rester en place, pour soi-disant continuer les réformes ! Des réformes que personne n'a vues ni connues ! Cette annonce, ils l'ont faite toute honte bue à la veille de la déflagration populaire! La saignée constatée, qui a grandement affecté le pays, ajoutée à une économie brinquebalante et exsangue, laissera sûrement des séquelles terribles. Après s'être distingués dans le détournement des voix et des urnes, voilà que ces êtres malfaisants s'avérèrent maîtres dans la prévarication. Mais ce qui titille l'esprit des citoyens, c'est qu'en dépit de toutes les crasses, toutes les forfaitures, l'espoir de rebâtir une autre Algérie reste omniprésent. Mais pas avec eux, ni avec les résidus du système honni, toujours incarné par Bedoui et son staff non représentatif, reliquat du système, qui doit absolument partir, au même titre d'ailleurs que Bensalah, qui menaçait durement à l'entame de la Révolution les jeunes révoltés qui refusaient le 5e mandat avorté et auquel il a donné son quitus et toute sa bénédiction ! Le changement réclamé n'est pas une vue de l'esprit, encore moins un caprice d'enfant, mais une nécessité urgente. C'est pourquoi il ne faut pas s'abandonner à la fatalité. Il faut au contraire comprendre que la démocratie est une longue marche, qui ne se décrète pas et ne se limite pas à un bulletin mis dans l'urne. Il faut la bâtir sur de nouvelles et saines bases. Et comme dirait le poète, surtout ne pas se fier aux feuilles mortes présentées comme de frais bourgeons ! Les chantiers sont nombreux pour instaurer un véritable Etat de droit, juste, démocratique et équitable, fort d'un contrat social durable entre les citoyens. Et pour ce faire, ni les illusions unanimistes, ni les recettes expéditives, ni les tentatives de division ne sont les bienvenues ! Ce sera difficile, car l'individualisme a réduit l'esprit public, laminé par le pouvoir décrié et en conséquence l'individu a éteint en lui le citoyen. C'est pourquoi il faudra une véritable révolution pour retrouver le sens perdu de la citoyenneté avec ses segments relatifs à l'initiative longtemps brimée, la responsabilité continuellement confisquée et le civisme quotidiennement mis à mal.