– Pour commencer, où en est la relance du secteur industriel avec tous les plans annoncés en grande pompe durant l'ère Bouteflika ? Dans la réalité, nos précédents gouvernants n'ont à aucun moment structuré le secteur industriel et les annonces en grande pompe de relance du secteur industriel n'étaient que des leurres. Leur démarche était de soutenir un secteur étatique sclérosé, désuet, qui dévorait les budgets d'investissement et d'exploitation du pays, sans création conséquente de richesses. Même quand le gouvernement parlait d'investissements productifs, c'était voué à l'échec, compte tenu du fait que ces investissements étaient en majorité greffés à ces actifs obsolètes, d'une part. D'autre part, l'actualité nous révèle, à quelle définition ces politiciens ont donné un sens, «au capital privé industriel». C'est-à-dire «le privé» n'était qu'un groupe complaisant de «pseudo-industriels» servant d'alibi pour les liens de malversation de certaines autorités en poste. La justice nous fait découvrir au quotidien le mal sans scrupules qui a été fait à notre économie. – La majorité des hommes d'affaires actuellement en prison ont bénéficié de l'appui du pouvoir en place à l'époque pour reprendre des entreprises publiques dans le cadre des opérations de privatisation sans pour autant relancer l'outil de production. L'Algérie reste dépendante des importations dans plusieurs secteurs. Qu'en pensez-vous ? Votre question soulève deux sujets : le premier a trait aux opérations de privatisation des PME publiques. Force est de reconnaître qu'il y a eu du bon avec à la clé la réussite, le développement de l'outil de production, de la croissance et beaucoup de création d'emplois, et du moins bon en majorité, avec une baisse drastique de la production, pas ou très peu d'investissements, des compressions des ressources humaines en place et souvent un changement d'activité. De par le monde, l'Etat n'a jamais été un bon manager d'entreprises. Résultat, c'est la concentration entre les mains d'hommes d'affaires «protégés, parrainés, prête-noms» liés au pouvoir en place de l'époque qui se ont accaparé les leviers de notre quotidien, de notre économie. Leur cynisme ne les a pas fait reculer pour nous imposer le «financement informel». Effectivement, pour la seule raison de s'enrichir, le précédent Premier ministre n'a pas hésité à mettre sur le marché de la monnaie fiduciaire sans création de richesse, poussant le pays vers une inflation inéluctable. D'autant plus que cette monnaie «informelle» a alimenté le business des «nantis» qui bénéficiaient du pouvoir en place et de leur positionnement de quasi-monopole sur le marché national pour s'enrichir davantage. Aucune richesse n'a été induite par cette masse de financement informel, selon les informations qui ont filtré sur le bilan de cette opération. Pour ce qui est de notre dépendance des importations, cela est dû à l'échelle de gravité des décisions prises par les précédents gouvernants. Tous les économistes et experts nationaux sincères n'ont eu de cesse d'alerter sur cette dérive sans issue. Nous y sommes ! Il faudra tout repenser et structurer secteur par secteur industriel pour en faire un pan viable, harmonieux et productif de notre économie créatrice d'emplois et de richesses, avec de vrais entrepreneurs non liés à qui que ce soit, mais uniquement avec des projets bancables et résolument rentables. – Des zones d'ombre entourent également la gestion du patrimoine récupéré alors que le problème du foncier industriel s'est toujours posé avec acuité… Encore une fois, l'actualité judiciaire nous renseigne sur une «addiction du foncier» des hommes d'affaires actuellement en prison qui ont bénéficié de l'appui du pouvoir en place à l'époque. Cette mainmise sur le terrain dédié aux investissements productifs a été un frein au développement de notre pays. Pour ce qui est du patrimoine récupéré, il me semble qu'il ne faut pas s'empresser de le redistribuer dans les conditions actuelles d'octroi. En effet, comme toutes les précédentes gouvernances sont actuellement sujettes à caution, il serait sage d'abord de réfléchir à notre nouvelle approche de développement en établissant une vision à long et moyen termes de ce que nous pouvons bien faire en matière industriel avec tous les atouts que nous possédons, notamment un sous-sol riche d'opportunités, des ressources humaines et une infrastructure perfectible. – Comment situer justement la responsabilité politique dans la situation de l'industrie nationale, notamment avec toutes les menaces qui pèsent sur l'emploi et le monde de l'entreprise actuellement ? Malheureusement, il nous semble que la responsabilité du politique est entière et l'état déstructuré de notre économie est réel. Nous serons obligés de passer par une période que nous espérons la plus courte pour remettre sur des bases saines tous les secteurs vitaux, notamment le secteur financier, le transport, la formation, la santé, la logistique, toutes les lois, décrets et arrêtés en lien avec le management, etc. Faire appliquer les normes internationales, les bonnes pratiques mondialement avérées à tous nos actes de gestion. Des emplois seront menacés, mais des milliers d'autres pourront être créés une fois la confiance rétablie. Nous avons un marché de près de cinquante millions de consommateurs à satisfaire. Le défi industriel à relever est à notre portée.