Hirak aidant, 20 travailleurs de l'ancien Complexe industriel de bonneterie de Azzaba (CIBA), à l'est de Skikda, l'un des fleurons de l'industrie du textile du pays, ont décidé de monter au créneau pour dénoncer «la mise en vente des équipements de trois unités de production du complexe et le recours aux faux et usage de faux dans la vente de nos actions». Tels sont, en résumé, les dessous de cette affaire qui remonte à la triste époque du démantèlement du tissu économique national, prôné à partir de 1995 par Ahmed Ouyahia, ancien chef de gouvernement. Le complexe Ciba de Azzaba, avec ses annexes de Aïn Charchar et Essebt, qui employaient près de 700 salariés, n'avait pas échappé à la machine destructrice et, en 1997, une partie des travailleurs fût licenciée et le reste deviendra actionnaire dans le cadre de la liquidation de l'ancienne Ciba. Entre-temps, Ciba change de dénomination commerciale en devenant Cibartex, et en 2005, les travailleurs actionnaires furent invités à vendre leurs parts à un groupe d'actionnaires. «Il est vrai que la majorité des travailleurs a accepté de vendre ses actions, mais pas tous. Nous étions 20 travailleurs à refuser de céder nos parts», témoigne un des concernés en présentant toute la documentation officielle faisant foi de ce qu'il avance. En 2010, l'affaire prend une nouvelle tournure. «On a été étonnés de constater la disparition du potentiel productif du complexe. On a vidé l'entreprise de tous ses équipements alors que le cahier des charges établi lors de la cession des parts aux travailleurs stipulait que l'outil de production devait impérativement être gardé. Où sont passées les machines du complexe et ses équipements ?» s'interrogent les travailleurs concernés. Ces derniers avancent que l'ancienne Ciba, inaugurée en 1971, en plus des trois unités de production, disposait aussi de 5 magasins dans les villes de Constantine, Azzaba, El Harrouch, Alger et El Kala. Qu'est-il advenu de tout ce patrimoine ? «Une fois vidée, l'unité principale de Azzaba a été transformée en un grand bazar, aménagé avec des box qu'on loue à de petits commerçants. L'annexe de Aïn Charchar a été longtemps louée à une entreprise chinoise et celle de Essebt a été réaménagée en parking !» attestent nos interlocuteurs, en se demandant : «Qui a décidé de démonter ces unités sans nous informer alors que nous sommes des actionnaires à part entière ?» Ces derniers n'ont en réalité pas attendu le hirak pour dénoncer ce qu'ils qualifient de bradage du potentiel industriel de l'ancienne Ciba. Ils en témoignent : «En 2011, nous avons porté l'affaire devant la justice, mais, on a été déboutés à deux reprises. Lors des deux premières audiences, on n'avait même pas daigné faire assister le notaire qui avait établi l'acte de vente des actions, dans lequel nous ne figurons pas. On nous a même empêchés d'avoir d'une copie de cet acte.» Chose que confirme leur avocate qui, en se limitant au volet juridique de l'affaire, estime que ses clients n'ont jamais vendu leurs parts. «Ils n'ont à aucun moment été mis au courant de la vente des équipements et de la reconversion des biens immobiliers de l'entreprise», a-t-elle mentionné.