Il a suffi de moins d'une dizaine de morts pour totalement chambouler l'industrie de la cigarette électronique aux Etats-Unis. Juul, le leader incontesté du marché, a changé de patron hier et décidé de faire profil bas pour tenter d'assurer son avenir. Exit également la tentative de méga-fusion entre les deux premiers cigarettiers du monde – Altria et Philip Morris International – en raison de l'incertitude qui entoure désormais le futur du vapotage. Juul, qui a conquis les trois quarts du marché de la cigarette électronique aux Etats-Unis en une poignée d'années, a remplacé son PDG par un vétéran d'Altria et annoncé suspendre toute publicité ainsi que le lobbying du gouvernement. Kevin Burns, qui a présidé au succès fulgurant de l'entreprise de San Francisco grâce à ses cigarettes très «design» ressemblant à une clé USB et des «jus» de nicotine parfumés, a été remplacé par K. C. Crosthwaite. Il était jusque-là responsable de la diversification vers l'e-cigarette chez Altria, qui a fait un pari énorme sur l'avenir de Juul en y investissant 13 milliards de dollars fin 2018. L'épidémie de vapotage qui frappe les jeunes Américains avait déjà inquiété les parents et poussé les autorités à se pencher sur la question l'année dernière. Mais une épidémie de maladies pulmonaires liées au vapotage apparue cet été a précipité les choses. Elle touche désormais plus de 500 personnes et a fait neuf morts, selon le dernier bilan. Les autorités sont très prudentes sur la cause possible des maladies, que ce soit une marque, un produit, ou une source, mais l'émoi est généralisé et les mesures prises sont foison, dans un pays qui pourtant n'arrive pas à légiférer sur les armes à feu qui font des dizaines de milliers de morts tous les ans. Mardi, le Massachusetts est allé le plus loin parmi les Etats fédérés en annonçant l'interdiction totale de vente de produits de vapotage pour une durée de quatre mois. La ville de San Francisco avait pris la première une mesure similaire. Le Michigan et New York n'ont, eux, suspendu que les produits aromatisés, tout comme la ville de Los Angeles. Le 11 septembre, Donald Trump s'était saisi du sujet et avait pris une mesure similaire sur les cigarettes électroniques aromatisées, au niveau fédéral. Ces initiatives éparses sont le pire scénario pour les industriels du vapotage, qui préfèrent avoir à faire à un cadre réglementaire s'appliquant à tous et qui ne change pas sans cesse. Le nouveau PDG de Juul a bien résumé le problème. «Je crois depuis longtemps en un avenir où les fumeurs adultes choisissent massivement des produits alternatifs comme Juul.» «Malheureusement aujourd'hui, le futur est menacé en raison du trop grand nombre de jeunes usagers et l'érosion de la confiance dans notre secteur d'activité», a-t-il ajouté.