Que fait-on avec des dates ? On mesure le temps qui passe, on calcule ses congés et on se rappelle l'anniversaire d'un(e) proche. Pour un imprimeur, avec des dates on fait des calendriers que l'on vend à la fin de l'année, pour un wali, avec des dates on fait des méchouis où l'on invite les gens qui comptent et on dépense sans compter. Mais pour les autres, les dates sont des plaques de signalisation sur la route des lendemains, des piquets droits plantés dans le sol argileux des événements. Des sauts qualitatifs pour essayer de ne pas revenir en arrière, même si l'Histoire n'est pas linéaire, on peut passer par exemple de la barbarie à la décadence sans passer par la civilisation. Mais avec un 1er Novembre on fait un pays, avec un 5 octobre on ouvre une brèche et avec un 22 février on emprunte la voie, cette dernière date ayant certainement un avenir et sera peut-être fériée un jour. On pourrait aussi évoquer la victoire de l'Algérie sur l'Allemagne en 1982, la naissance dans l'ombre de Tliba ou le jour où Naïma Salhi a décidé de faire de la politique, mais on aura compris, avec une date on prend rendez-vous avec le futur. Le 12 décembre ? Si après 20 ans de Bouteflika, c'est l'un de ses anciens ministres qui devient président, le 12 décembre sera une date à oublier. Si ce jour il y a affrontement entre ceux qui ne veulent pas d'élections dans les conditions fixées et Gaïd Salah qui en veut pour les avoir fixées, cette date sera un sombre souvenir. Bien sûr, si ces élections sont encore reportées sous la pression des manifestants, le 12 décembre n'aura plus aucun sens, mais si le 12 décembre, un représentant du hirak se présente et est élu, ce sera le premier Président démocrate élu démocratiquement et cette date sera un jalon fort pour les générations futures. C'est tout le mystère de l'invention du calendrier, on sait quand elle a eu lieu sauf qu'on ne connaît toujours pas le jour de la fin du monde. Peut-être qu'elle aussi sera indéfiniment reportée sous la pression.
