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Kouider Boutaleb . Professeur d'économie : «La sacralisation du code des marchés publics n'est qu'une illusion»
Publié dans El Watan le 23 - 12 - 2019

Selon Kouider Boutaleb, professeur d'économie à l'Université de Tlemcen, la transparence dans les marchés publics demeure un simple discours sans ancrage réel.
Il rappellera dans ce sillage que les affaires de corruption en cours s'expliquent essentiellement par les liens d'allégeance au pouvoir politique en place. Des liens déterminants pour accéder aux juteux marchés publics, que ce soit par la procédure du gré à gré ou par la procédure d'appel d'offres, de l'avis du professeur


-La corruption a connu une explosion sans précédent au cours de ces deux dernières décennies en Algérie. En témoignent les grandes affaires de corruption qui ont éclaté ces derniers mois. Quel bilan en faites-vous ? Doit-on s'attendre à d'autres révélations au moment où l'on commence en entrevoir l'étendue et les conséquences de ce phénomène sur le pays ?
Le bilan de la corruption est catastrophique : tous les indicateurs institutionnels déterminant l'efficience économique, (climat des affaires traduit par l'indice «Doing Business», corruption, traduit par l'indice IPC de Transparency International, compétitivité, traduit par l'indice de Davos …) demeurent dans le rouge, traduisant directement ou indirectement les effets de la corruption généralisée paralysant la croissance et le développement : une économie désindustrialisée, une facture alimentaire ne cessant de s'accroître pour dépasser les 8 milliards de dollars, une jeunesse désemparée ne trouvant pas d'emploi, un divorce croissant Etat/citoyens, un déficit budgétaire quasiment insoluble…
Bref, un développement bloqué, une économie au bord du gouffre. Ce blocage de la croissance et du développement ne peut s'expliquer que par l'étendue de la corruption, comme ne cessent de l'affirmer les institutions internationales en charge du développement dans le monde (Banque mondiale, PNUD, FMI …
-A quoi doit-on s'attendre à terme ? Traduire en justice des pontifes du pouvoir et des hommes d'affaires véreux, certes, mais cela ne signifie nullement lutter contre la corruption qui a gangrené le pays et bloqué son développement…
Il s'agit là d'une démarche judiciaire précipitée, comme nous l'avons déjà exprimé. Il fallait, nous semble-t-il, prendre des mesures conservatoires pour empêcher les transferts de fonds illicites vers l'étranger, imposer des règles de transparence et de diligence dans le traitement des dossiers économiques, sans se précipiter à emprisonner des hommes d'affaires soupçonnés de malversation pour donner au peuple l'illusion d'une justice indépendante qui du jour au lendemain traque les hommes d'affaire véreux. Car qu'en est-il de tous les commis de l'Etat (ministres, walis, directeurs de Douanes, directeurs d'office publics, président d'APC,…) qui ont autorisé, signé des documents et permis à de très nombreux affairistes de s'enrichir. En matière de corruption, il y a les corrupteurs et les corrompus.
Ils sont tous judiciables. Si la volonté de lutter contre la corruption existe vraiment, elle devrait s'exprimer à travers une gestion réussie de la transition vers la refondation rapide d'un Etat fort, dont le pouvoir s'exerce par l'intermédiaire d'institutions réellement représentatives. Autrement dit, un Etat de droit, légitime comme nous l'avons exprimé en conclusion d'un ouvrage consacré à la corruption (La corruption, sa nature, ses causes et son étendue, le cas de l'Algérie) édité par l'Office des publications universitaires (OPU), et sorti au mois d'avril 2019.
Et c'est la raison pour laquelle nous ne pensons pas que la corruption est contenue. On devra attendre sans doute encore longtemps pour voir disparaître les causes et les ressorts de la corruption non seulement de la grande corruption, mais la corruption sous toutes ses formes. Car le système qui s'est constitué autour de privilèges et de rentes ne peut être remis en cause si la question du pouvoir constitutif du politique est niée, ce qui a été et demeure apparemment toujours le cas.
-Des marchés attribués de gré à gré et la surévaluation des coûts sont parmi les moyens que s'est donné le pouvoir tout au long de cette période pour faciliter la culture de la corruption. Comment faire pour limiter le recours à de telles pratiques ?
La corruption dans les marchés publics est sans doute celle qui focalise le plus l'attention des observateurs dans la mesure où c'est là où les plus gros scandales font l'actualité, et parce qu'elle cause des dommages considérables à l'économie, compte tenu du poids économique considérable que représentent ces marchés dans le pays.
La question a fait couler beaucoup d'encre. Le problème ne réside certainement pas dans le seul mode de passation des marchés publics, notamment dans sa forme la plus décriée, à savoir le gré à gré. Les liens d'allégeance au pouvoir politique en place sont déterminants pour accéder aux juteux marchés publics, que ce soit par la procédure du gré à gré ou par la procédure d'appel d'offres.
Le gré à gré tant décrié a subi plusieurs modifications, sans changer vraiment par rapport à ses premières formes : le gré à gré simple, qui s'est malgré tout ancré dans le code des marchés selon l'avis de nombreux juristes, qui affirment par ailleurs, exemples à l'appui, qu'il n'y a pas entre l'appel d'offres et le gré à gré après consultations une différence de nature, mais une simple différence de degré. Aussi, le gré à gré continue d'exister malgré les modifications apportées.
Ainsi, tous les changements apportés au code des marchés publics n'ont guère empêché l'usage d'ingénieux montages pour contourner la loi et empocher les bénéfices de la corruption.
Des actes illicites sont camouflés en procédures légitimes (cela nous rappelle la déclaration de l'ex-président A. Bouteflika : «Ils s'enrichissent en utilisant les lois de la République…»
-Peut-on conclure alors que le déficit en transparence est le point phare qui mine la gestion de la commande publique ?
L'expérience algérienne en matière de marchés publics tendrait à prouver, à l'instar d'ailleurs d'autres pratiques, que la sacralisation du code des marchés publics n'est qu'une illusion dès lors qu'il est établi que la corruption en matière de commandes publiques est très largement répandue.
Pour combattre la corruption dans les marchés publics, ou du moins en limiter les pratiques, de nombreux spécialistes tout autant que les organisations internationales préconisent entre autres instruments, comme le montre le récent rapport de l'OCDE, (Revue du système de passation des marchés publics en Algérie : vers un système efficient, ouvert et inclusif, 2019), la transparence afin de prévenir avant de sévir. La transparence est considérée de ce fait comme le facteur-clé dans cette quête de lutte contre la corruption, plus particulièrement celle qui touche les marchés publics.
La transparence est une construction fondamentale – c'est-à-dire un des instruments les plus efficaces – participant à la prévention de la corruption.
De nombreuses études ont mis en évidence cette fonction de la transparence en recourant notamment à la numérisation des opérations
Les agents économiques comme les simples citoyens veulent savoir comment est géré le service public, en l'occurrence comment s'effectue la passation des marchés publics dans les différentes phases, notamment dans la rédaction des cahiers de charges, mais aussi dans le choix des soumissionnaires, ce que font les pouvoirs publics, comment ils le font et pourquoi ils le font ?
L'avènement de la transparence, un des trois fondamentaux de la bonne gouvernance avec la reddition des comptes et la participation, a par conséquent pour mission de remettre en cause cette conception bureaucratique fermée du fonctionnement administratif et étatique, source de corruption.
On peut objecter que le législateur algérien a bien cerné les contours de la transparence et l'appliquer dans la passation des marchés publics. Mais le droit ne vaut, souligne- t-on souvent, pas tant par ce qu'il est que par son application et son respect. Or, chez nous sans doute plus qu'ailleurs, au-delà même du droit des marchés publics, le droit en général et les réalités et pratiques font que la question de la transparence dans les marchés publics demeure un simple discours sans ancrage réel. En effet, malgré les progrès contenus dans le nouveau code des marchés publics par rapport aux anciennes moutures, il n'en reste pas moins que la transparence et la gestion saine des marchés publics restent de vains mots.
La transparence relève encore de l'illusoire. L'institution de la transparence dans la passation des marchés publics ne peut se réduire à quelque énoncé dont l'exécution reste tout à fait aléatoire. Qui peut s'en porter garant ? Il est bien connu qu'en règle générale, celui qui dispose du pouvoir est porté à en abuser et que celui qui dispose de l'argent est également porté à corrompre pour arriver à ses fins. Des moyens sophistiqués sont utilisés dans les mécanismes de la corruption : cartes de crédit et participations «gratuites», comptes dans des centres financiers extraterritoriaux…
Le fournisseur camoufle le versement occulte dans la facture, sous couvert de retard, de suppléments imprévus ou n'importe quel autre prétexte.
Il n'est pas étonnant que ces pratiques se fassent souvent sous le nez des pouvoirs publics, puisque les contrats sont rédigés et signés par des personnes occupant des fonctions officielles qui profitent des «angles morts» du système.
Tout un arsenal institutionnel et réglementaire de lutte contre la corruption dans la passation des marchés publics qui n'a pratiquement servi à rien au regard de la multitude de scandales que révèlent quotidiennement la presse nationale et les réseaux sociaux.
-Si l'arsenal réglementaire n'a servi à rien comme vous le rappelez, quel serait alors le sort des mesures préconisées dans le rapport de l'OCDE ?
Ce n'est certainement ni le premier rapport, orientant les décideurs vers plus d'efficience décisionnelle, en l'occurrence la lutte contre la corruption dans la passation des marchés publics, qu'il émane de l'OCDE, de la Banque Mondiale, du PNUD ou du FMI, ni sans doute le dernier, qui sera mis sous le tapis.
On n'écoute pas les bons conseils, on ne contextualise pas, on ne s'inspire pas des bonnes pratiques et expériences internationales, et on continue à faire la politique de l'autruche qui nous mène droit au mur.
Un tel rapport, comme tant d'autres, dans d'autres domaines (monnaie, finance, croissance, investissement…), tout comme les analyses d'universitaires algériens de renom, sont utiles pour des décideurs à l'écoute.
Si la volonté politique était réellement et non formellement de mise, on aurait pu depuis longtemps déjà s'inspirer des bonnes pratiques de lutte contre la corruption dans les marchés publics.
En octobre 2005 déjà, le groupe de travail de l'OCDE sur la corruption, chargé de surveiller l'application de la convention anticorruption, a entrepris d'établir une typologie des actes de corruption dans les marchés publics afin d'améliorer la connaissance des mécanismes et des systèmes de corruption et l'efficacité de la prévention, de la détection, de l'investigation et de la sanction de cette activité criminelle.
Ce rapport récapitule les techniques et les mécanismes utilisés pour corrompre, examine les relations entre la corruption et d'autres délits financiers, et les motivations des corrupteurs et des corrompus. Basé sur des cas réels, il porte un éclairage sur la prévention, la détection, l'investigation et la sanction des actes de corruption.
Le récent rapport n'ajoute en fait rien de nouveau aux prescriptions déjà exprimées. Ce qui nous fait dire, comme nous l'avons exprimé il y a quelque temps déjà, que la problématique de la lutte contre la corruption dans les marchés publics et au-delà ne relève certainement pas de simples dispositions juridiques (quand bien même sont-elles nécessaires) mais d'une application effective des mesures consacrées par les textes juridiques.
Et cela ne peut avoir lieu, comme nous ne cessons de le répéter, que dans le cadre d'un Etat de droit et l'institution effective de la bonne gouvernance (transparence, reddition des comptes et participation) qu'il faut s'atteler à construire résolument.


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