Avec l'interruption des liaisons aériennes et maritimes entre l'Algérie et la France, la Méditerranée paraît infranchissable, pour la première fois de l'histoire. Les Algériens sont sous l'effet d'une sidération pour les uns, d'inquiétude pour d'autres. Plus aucune relation par avion ou bateau avec l'Algérie à partir de ce mardi 17 mars (lire notre édition de lundi 16 mars). Le choc est rude. La population d'origine algérienne est en effet la communauté immigrée la plus nombreuse en France. Les relations familiales, sociales, associatives, culturelles, économiques ou encore politiques connaissent toute l'année un flux important entre l'Algérie et la France. C'est dire si une pandémie comme le corona affecte un échange continu et prolifique, brusquement interrompu, comme jamais il ne l'a été. On le voit depuis le week-end dernier avec la pagaille vécue dans les aéroports, bien que beaucoup aient annulé ou reporté leur visite vers l'un ou l'autre des deux pays. Lorsque la compagnie Air Algérie a réduit ses fréquences, un certain nombre de personnes, algériennes ou étrangères, se sont trouvées dans l'embarras. D'ailleurs, ce fut la raison pour laquelle Air Algérie n'avait pas suspendu brusquement mais réduit son service. La coupure devient irrémédiable à présent que l'Algérie et la France ont suspendu totalement les dessertes par air ou par mer. Des victimes à Creil et Créteil Après les dernières mesures de confinement annoncées par l'Exécutif français, samedi soir, et cette décision de rompre la possibilité de voyager d'une rive à l'autre, se sont ajoutés pour les immigrés algériens les mille et un déboires concernant la maladie et la manière d'y faire face. Notamment dans les départements les plus touchés, comme l'Oise au tout début. L'ambassadeur d'Algérie en France, Salah Lebdoui, au journal de 19h00 en français de la télévision algérienne faisait état, dimanche soir, de deux victimes à Creil (Oise) et deux à Créteil, en ajoutant que les statistiques ethniques étant interdites en France, il était difficile de savoir le nombre d'Algériens touchés. Des informations nous sont en tout cas parvenues de Lyon et d'ailleurs sur des familles qui présentent des symptômes qui pourraient être ceux du corona, mais qui n'ont pas pu avoir accès facilement au dépistage, délivré avec parcimonie. A ce souci, lot de tous les habitants, s'ajoute pour une bonne part de la communauté immigrée, souvent précaire, la promiscuité. Il a fallu longtemps à certains pour adopter les mesures simples comme ne plus s'embrasser ou se serrer la main. Des attitudes allant tellement à l'encontre de l'élan fraternel et chaleureux habituel. De même, les rassemblements sont interdits et en conséquence, les mariages ou autres fêtes doivent être reportés, surtout s'ils étaient prévus dans des salles louées pour l'occasion. Fermeture des mosquées C'est sur le plan du culte que les mesures de confinement seront les plus visibles. Ainsi, dès vendredi dernier, la Grande Mosquée de Paris avait pris les devants. «La grande prière du vendredi (salat aljumu'a) ne sera pas célébrée à la Grande Mosquée, et ce jusqu'à nouvel ordre» avait souligné le recteur Chems-eddine Hafiz. Ajoutant qu' «il est essentiel que les fidèles musulmans participent activement, dans leur comportement, à ralentir la propagation de l'épidémie». Depuis samedi dernier, l'évolution réglementaire, annoncée par le premier ministre Edouard Philippe et publiée par décret paru au Journal officiel dimanche, l'accès aux lieux de culte, quels qu'ils soient, n'est pas empêché mais les cérémonies sont interdites. Cependant, le Conseil français du culte musulman (CFCM), dans un communiqué rendu public samedi soir, a décidé de demander la fermeture complète des mosquées : «Les cinq prières journalières sont considérées à la fois comme rassemblements et cérémonies. Dès lors, l'ouverture d'une mosquée au public sans y organiser les cinq prières journalières en groupe ne peut être que source de confusion et de difficultés.» L'enfer vert des forçats Le documentaire Guyane, du bagne aux étoiles dans lequel intervient Philippe Collin, sera à l'antenne de France Ô jeudi 26 mars à 20h50. Sa diffusion sera suivie d'un débat. Léon Collin, médecin affecté aux bagnes, a connu tous les lieux de détention coloniaux dont la Nouvelle-Calédonie où ont fait souche des Algériens. Il débarque en Guyane en 1907 et découvre les réalités de l'enfer vert. Choqué par les incohérences et les dysfonctionnements de l'administration pénitentiaire, il fut l'un des premiers à décrire l'horreur carcérale et à photographier les forçats. Au nombre des déportés, beaucoup de coloniaux, dont des Algériens par centaines. Du bagne aux étoiles s'appuie sur ce témoignage unique pour mieux saisir les enjeux du développement d'une Guyane française qui a longtemps été synonyme de confinement et d'extinction, avant d'accueillir les rêves de conquête spatiale les plus ambitieux. D'où le titre du film. W. M.