Que faisiez-vous pendant l'été ? – Je suis resté confiné. – Et bien pleurez maintenant…» Les artistes seraient bien inspirés de paraphraser la fable de La Fontaine après la douche froide de lundi soir. En effet, si la vie reprendra peu à peu le 11 mai en France, à condition que la situation sanitaire le permette, la vie culturelle et artistique restera à l'état comateux, de même que le tourisme. Le président Emmanuel Macron a acté la mort cérébrale de l'été en édictant : «Les lieux rassemblant du public – restaurants, cafés, hôtels, cinémas, théâtres, salles de spectacles et musées – resteront en revanche fermés» et «les grands festivals et événements avec public nombreux ne pourront se tenir au moins jusqu'à mi-juillet prochain». Ainsi, disparaissent d'un seul trait les festivals que nous avions suivis durant de longues années pour El Watan : les festivals d'Avignon In et Off (avec ses milliers de jeunes compagnies qui sont aujourd'hui désespérées) ; le festival lyrique d'Aix-en-Provence ; le festival des Chorégies d'Orange ; le festival Les Suds d'Arles ; Les Rencontres photographiques d'Arles ; Les Francofolies de La Rochelle ; Les Vieilles Charrues et beaucoup d'autres de moindre importance… Avec comme corollaire immédiat la diminution drastique du tourisme intérieur et celui drainé depuis l'étranger. Culture et tourisme sont deux domaines pourvoyeurs d'activités dont l'absence va se faire sentir pour les particuliers et pour l'Etat qui va se trouver privé d'entrées fiscales indirectes importantes. Sans négliger les sommes qu'il déboursera pour empêcher les faillites et les situations individuelles insurmontables. Frontières fermées Pour l'essentiel, ce sont des dizaines de milliers de personnes, gérées la plupart par des contrats ponctuels qui se retrouvent sans ressources : musiciens, comédiens, techniciens de la scène, opérateurs et préparateurs, agents de presse… Une longue liste sans fin de travailleurs précaires. Parmi ceux-ci, beaucoup de résidents étrangers dont des Algériens par centaines, notamment dans l'hôtellerie, la restauration, les transports. Et toute la filière alimentaire qui nourrit ces millions de personnes pendant l'été des festivals. Avec souvent des employés qui durant l'été mènent une activité d'appoint pour une durée déterminée, gagnant aux beaux jours quelque pécule qui les fait tenir de longs mois. Le président Macron a aussi annoncé que «les frontières avec les pays non européens resteraient fermées jusqu'à nouvel ordre». Ce qui signifie que dans les deux sens, les frontières de l'espace Schengen fermées depuis le 17 mars 2020 le resteront encore longtemps. Pour l'Algérie, cela veut dire qu'il n'y aura plus de vols avant longtemps dans les deux sens. Pire, la France aura pâle figure cette année. Première destination touristique et culturelle mondiale (devant l'Espagne), depuis plusieurs années, avec notamment l'apport important de non-Européens (Asiatiques, Américains, Africains, Océaniens), elle devra ronger son frein, sans savoir si les publics habituels auront de nouveau l'envie et le goût de longs déplacements internationaux après la crise sanitaire qui assomme le monde comme jamais. Pour ces activités et professions qui paraissaient si ordinaires jusque-là, le pronostic vital est désormais engagé. C'est donc bien une catastrophe économique, avec comme symptômes tous les signes de détresse, qui se prépare sans savoir comment le secteur va pouvoir être réanimé. On sait, en effet, que le tourisme représente autour de 7 à 8% du PIB, pour une somme d'activités de 168 milliards. Pour la culture, la part du PIB tourne autour de 2% pour une consommation autour de 44 milliards d'euros, selon les derniers chiffres connus. Lyon (France) De notre correspondant Walid Mebarek
