Une opération bien menée, avec retentissement joyeux et apothéose en pleine fête de l'Indépendance. Le retour des têtes de résistants, même vides, a été conçu par des têtes vivantes et bien pleines, même si ce sont des Algériens, qui n'ont rien à voir avec l'Etat, qui réclament depuis longtemps le retour de ces symboles du combat et de la cruauté coloniale. On a quand même appris au passage que l'Algérie possédait des Sukhoï 30 et on s'est rappelé la position d'Ouyahia sur les crânes : «Ils sont mieux en France, à l'abri dans un musée.» Aujourd'hui à l'abri dans une cellule, lui qui pensait être un cerveau, voire une tête, il a pourtant longtemps surfé sur un nationalisme rigoriste malgré les 30 milliards non identifiés trouvés sur son compte. C'est d'ailleurs le débat récurrent, on conteste cette overdose de nationalisme pour masquer les insuffisances, mais si en Europe, où le nationalisme a fait des millions de victimes en deux guerres mondiales, toute ardeur patriotique est vue comme un danger, en Algérie, c'est différent, le nationalisme n'est pas négatif parce qu'il a permis la libération du pays et n'a pas été ensuite le prétexte à une quelconque invasion d'un pays voisin. De ce point de vue, le régime n'a pas à avoir peur, à part quelques fans de l'Open Society, qui voient dans les micro-fragmentations et assimilations européennes la solution à trop d'Etat ici, l'Algérie a une société forte, soudée autour de son pays – moins autour de ses décideurs –, ce qui est rassurant en ces temps de batailles navales en Méditerranée pour le contrôle de la Libye. Le corps est sain mais la tête l'est-elle ? Les libérations au compte-gouttes de quelques militants est aussi une opération du cerveau pour réduire le mécontentement par une double victoire du Président, rapatrier des têtes de résistants et relâcher le corps de quelques opposants. Initiatives très louables, mais ce n'est pas avec des crânes vides et des prisons pleines qu'il pourra créer du réel d'ici le 5 juillet prochain.