Incontestablement, le président Abdelmadjid Tebboune a frappé un bon coup en obtenant, à l'issue de laborieuses et longues négociations avec la France, le rapatriement des crânes des résistants algériens qui «ornaient» la galerie du Musée de l'Homme à Paris. Une autre réalisation d'une valeur symbolique et historique inestimable que l'ancien président déchu, Abdelaziz Bouteflika, qui avait un culte pathologique de l'appropriation de la paternité des projets grandioses de la nation dans tous les domaines – du développement, de l'histoire,… – n'a pas eu le plaisir de savourer. Sur ce dossier mémoriel inédit qu'aucun autre chef d'Etat avant lui n'avait exhumé, il avait mis toute son énergie, en tentant d'exploiter les bonnes relations le liant au président français Emmanuel Macron, pour inscrire à l'actif de sa gouvernance ce haut fait historique et mémoriel. Juste retournement de l'histoire ? Ces héros de la résistance qui regagnent la patrie pour le repos éternel n'auraient assurément pas béni leur retour au pays sous un régime qui a trahi le serment des chouhada, aussi loin que remonte la résistance à l'occupant dans ses différentes étapes et épopées historiques. C'est, à l'évidence, une longue page de l'histoire qui s'écrit à rebours : pendant que l'on s'apprête, dans le recueillement et la ferveur populaire, à inscrire, en lettres d'or, au panthéon de l'histoire les noms de nos résistants rapatriés, aux côtés d'autres héros qui ont donné leur vie pour la libération du pays, des dirigeants qui ont présidé aux destinées du pays en brisant le rêve de l'indépendance par leur règne, fait de gabegie et de prévarication, quittent par une porte dérobée la scène politique et l'histoire qu'ils ont investies par effraction. Que le dossier du rapatriement des crânes de nos résistants ait abouti maintenant, dans une Algérie qui cherche toujours sa voie pour sortir des ténèbres, n'enlève rien à la symbolique de l'événement, même si des lectures seront certainement faites quant aux dividendes politiques attendus par le nouveau pouvoir à travers cette opération ! Au-delà de la charge émotionnelle suscitée par l'événement, et de la portée de la décision politique qui a rendu possible ce premier pas dans la voie de la réconciliation des mémoires, la convocation de l'histoire, après plus d'un siècle de séquestration de la vérité sur le fait colonial, se veut à la fois une dette que la nation vient de solder vis-à-vis de ses martyrs, et un engagement politique pour l'avenir du pays : pour bâtir une Algérie libre, indépendante et prospère, telle que rêvée par les générations de combattants qui ont libéré le pays du joug colonial. L'événement d'hier, qui coïncide avec la célébration de l'anniversaire du recouvrement de l'indépendance nationale et l'élan émancipateur du mouvement populaire pour une Algérie nouvelle, peut servir de levain politique au pouvoir pour amorcer un nouveau départ, si l'intention est saine et dénuée de tout calcul politique. Et s'il s'agit d'un geste politique fondateur fort par lequel l'Etat se réapproprie la souveraineté de son histoire qui conditionne la souveraineté politique nationale. Mais le référent national, s'il constitue un ciment de l'unité nationale, il ne suffit pas à lui seul – à plus forte raison lorsqu'il est détourné et instrumentalisé pour des appétits de pouvoir – pour bâtir un