Que de changements subis en une trentaine d'années ! Ce n'est plus le même spectacle que le visiteur a l'habitude de voir en faisant son entrée dans la ville pour se rendre à Tébessa ou encore en Tunisie. Car Meskiana est un passage obligé, voire incontournable pour se rendre dans le pays voisin quand il est question d'emprunter la RN10. La ville a dit adieu à son exubérante végétation, celle-là même qui faisait partie du comité de gestion agricole, appelé Hendaoui Djelloul. Des habitations ne respectant aucun urbanisme se sont implantées un peu partout, empiétant sur des terres agricoles, autrefois pourvoyeuses de blé, de légumes. L'élevage bovin, jadis constitué d'une centaine de vaches laitières, a disparu. L'oued ne charrie plus ses eaux tumultueuses en temps de pluie, attendant sereinement une réelle prise en charge par les pouvoirs publics. Son curage ne fait plus partie des préoccupations des agriculteurs, ni du syndicat créé pour son nettoyage de temps en temps comme autrefois. Le projet d'y construire un barrage à son aval, au lieudit Chebabta, tarde à voir le jour. Avant de traverser le pont qui enjambe l'oued éponyme, le voyageur a tout loisir d'admirer encore debout une oliveraie. Mais l'on se demande si elle est entourée de soins pour une meilleure production d'olives ! Une fois le pont traversé, on remarque un estaminet implanté au-devant de la stèle dédié à l'une des figures de la Révolution de novembre, le chahid et néanmoins commandant Radjaï Ammar. La grand-rue qui porte son nom offre un aspect peu reluisant. Des maisons vieillottes et basses la bordent d'un côté et de l'autre. C'est dire à quel point la ville a subi un coup de vieux. D'aucuns parmi les habitants déplorent le passage continu et ininterrompu de camions de gros tonnages qui, le moins qu'on puisse relever, font subir à la chaussée des crevasses et des dénivellations. Pourquoi se dit-on ne pas faire bénéficier la ville d'une voie de contournement pour épargner aux habitants le vrombissement des moteurs des camions ? De loin en loin, l'on aperçoit de nouvelles bâtisses, des immeubles à trois étages surtout, qui mettent de l'ombre aux anciennes. Salah, un ingénieur à la retraite, se plaint que la plaine de Meskiana ne soit plus pourvoyeuse de la belle et succulente carotte d'autrefois, ni de son melon qui embaumait les alentours. Il nous apprend que la disparition de l'unité Elatex (unité de lavage et peignage de la laine) a été ressentie avec beaucoup de douleur par les habitants. En effet, avec la fermeture de cette unité qui employait plus de 400 ouvriers, le chômage s'est accru, touchant un grand nombre de jeunes. Et l'on assiste du coup à la prolifération des maux sociaux que tout le monde connaît. L'oisiveté n'est-elle pas la mère de tous les vices ? Un autre citoyen, un fervent défenseur de la ville, en l'occurrence Hamoudi n'arrête pas d'interpeller les responsables sur l'état de déliquescence de la cité de la Kahina sur les réseaux sociaux, en particulier facebook. Très actif sur ce média-là, Hamoudi dénonce sur des «live» les maux qui rongent la ville. Il nous fait part d'une autre situation qui enlaidit la cité, comme ces dépotoirs de déchets inertes qui s'amoncellent parfois sur des terres agricoles. Comment autoriser les gens à se débarrasser des gravats issus des démolitions sur des sites qui jouxtent la périphérie de la ville ? En ces jours où la pandémie du Covid 19 sévit partout, le centre- ville de Meskiana semble vivre une léthargie tant les rues sont désertes et la circulation réduite à sa portion congrue. Plus loin, un autre centre s'est créé. C'est au niveau de la cité Berkani que semble palpiter le nouveau cœur de la ville. Là, les boutiques sont bien achalandées, drainant la gent féminine quand la fraîcheur du soir s'installe dans le quartier. DE NOMBREUSES INSUFFISANCES Malgré son statut de daïra, la ville de Meskiana souffre de nombreuses insuffisances : il n'existe pas de gare routière assurant toutes les dessertes, d'autant que la cité est située dans un carrefour de routes nationales. En effet, la ville est traversée par les N10 et N88, la première reliant Constantine à Tébessa et la seconde la wilaya de Khenchela à Ouenza dans la wilaya de Tébessa. Ceci sans parler des routes secondaires qui relient les communes de Djazia, de Belala, de Rehia et Behir Chergui à Meskiana. Pas de piscine pour les jeunes, obligés parfois à se déplacer ailleurs pour un bain rafraîchissant ; pas de parc d'attraction pour les moins jeunes et les familles en quête de distractions. Les marchands de fruits et légumes ont boudé le marché couvert implanté du côté de l'ancienne gare ferroviaire. A ce propos, les gens ne comprennent pas pourquoi, le nouveau tracé du chemin de fer ne passe pas par la ville. La dernière visite du wali a consisté en l'inauguration d'une bibliothèque urbaine. C'est la deuxième que l'on vient de réceptionner. Elle est baptisée au nom de Yamina Mechakra, l'écrivaine connue pour son roman La grotte éclatée. Ce n'est que justice puisque l'auteure est issue de la ville, tout comme l'est Abdellah Cheriet, le sociologue, lequel a animé des émissions radiophoniques pendant des années. Comme partout ailleurs, la lecture n'attire guère de gens. Pourtant, les rayons de la bibliothèque que nous avons visitée sont bien fournis en livres de qualité. Le jeune bibliothécaire se désole qu'il y ait moins de lecteurs à la recherche d'un livre. Il lui arrive de ne recevoir personne au cours d'une journée. Comment donner aux gens le goût de la lecture, si l'école ne s'y met pas pour initier les jeunes à aimer les livres ?