Comment passer de la perpétuité à 6 mois de prison ferme dans le même procès ? C'est ce qui est arrivé à Walid Nekiche, étudiant à Alger pris dans les rafles des marches populaires de 2019. Dans ce plus lourd réquisitoire d'un procureur à l'encontre d'un marcheur du hirak avec la prison à vie requise pour des posts sur Facebook, c'est ce même décalage entre le taux officiel du dinar et celui en cours sur le marché parallèle, ou celui entre les envolées verbales des autorités et les tristes réalités quotidiennes. L'histoire va encore plus loin, puisque Walid Nekiche a expliqué au tribunal avoir été «agressé physiquement et sexuellement par les services de sécurité». Nous sommes bien en 2021 et le fait ne se déroule pas à Ghardaïa ou une ville de l'intérieur, dans ces «zones d'ombre» que cite souvent le Président, mais à Alger, capitale officielle de l'Algérie nouvelle, dont le Président est toujours à l'ombre en Europe, qui a dû de très loin suivre ce violent procès. Comment en est-on arrivés là, ou plutôt pourquoi n'en est-on pas encore sortis ? Parce que si le dossier est vide, il y a quand même une grave accusation, «atteinte à l'unité de la nation», pour les liens supposés de Walid Nekiche avec le MAK, ce qui lui vaudrait théoriquement la perpétuité, mais en Birmanie. Pourtant, l'étudiant avait posté sur son compte Facebook une mise au point assez claire, expliquant qu'il est «originaire d'un village où la majorité de ses jeunes sont militants du mouvement séparatiste pour l'indépendance de la Kabylie», le MAK, sauf que «ce sont mes frères et amis, nous n'avons pas les mêmes orientations politiques, mais je respecte leurs opinions». Si on devait suivre le procureur, ce village devrait être condamné à perpétuité, mais surtout, on est dans un cas assez particulier, Walid Nekiche a donc été jugé pour avoir eu une opinion sur une opinion. L'idée est effrayante, si on aime le cannabis on prend 3 ans de prison, si on aime quelqu'un qui aime le cannabis, c'est 30 ans. Advertisements