«Devrais-je avoir honte d'être un démocrate progressiste ?» Cette question posée sur un ton colérique par Kader Fares Affak, 42 ans, militant depuis vingt ans au sein de plusieurs organisations clandestines, n'en est pas une. Elle ne fait qu'exprimer sa révolte face à la culture de la peur qui paralyse la société. Il cale sa béquille contre le mur, se calme et explique : «Aujourd'hui, les gens ont honte d'être démocrates parce que les démocrates du système nous ont discrédités par leur silence complice face aux pires dépassements.» Kader, qui n'en est pas à son premier combat, n'a pas peur de hausser le ton : «Les démocrates n'ont pas réussi à proposer un projet de société contrairement aux islamistes qui en ont un tout prêt, et c'est là que se situe leur faille.» Après 20 ans d'engagement politique – premières actions de militantisme au sein du comité de défense des libertés démocratiques créé juste après les événements d'octobre 1988 – Kader a, bien sûr, dans le regard une pointe d'amertume due à de longues années d'une lutte frustrante, mais pas une once de résignation, pour autant. «Tout le monde exige le changement et attend qu'il vienne d'en haut ou de l'extérieur sans réaliser que ce changement peut se construire avec les forces d'en bas», explique-t-il en levant ses bras de colère. Ce changement, il y croit malgré les dizaines de PV d'arrestation qu'il collectionne. «Il faut résister jusqu'à ce qu'ils abdiquent !», peste-t-il. Kader est aussi devenu célèbre grâce à sa voix qui porte dans la rue. Parfait chauffeur de foule qui scande à chaque fois des slogans rebelles et déterminés. Il ne prône pourtant pas les méthodes radicales : «Pas besoin d'aller jusqu'à la désobéissance civile, mais juste résister jour après jour.» Pour résister, il a opté pour l'indépendance. Kader a quitté le monde du travail en 2009 pour se consacrer à ses convictions révolutionnaires. Pas le temps de chômer pour ce révolutionnaire né, justement né un certain 1er novembre 1969 à Aïn Bénian.