Fait unique en Afrique du Nord et dans le monde arabe : la Tunisie, qui vient d'élire démocratiquement son premier Président de son histoire, peut se flatter d'avoir réussi la prouesse de mener à bon port le processus de transition qui a commencé avec, comme gage d'un tout nouveau départ, l'élection d'une Assemblée constituante le 23 octobre 2011. Aujourd'hui, la rupture complètement consommée avec le système honni de Ben Ali, le pays peut ainsi, désormais, réellement s'engager dans la marche en avant décrétée un certain 14 janvier, trois ans plus tôt, par un peuple tunisien révolté. Voilà un pays, dont les moyens sont pourtant si modestes mais le rêve et la volonté si grands, qui a pu ainsi s'ériger en précurseur de la démocratie dans la région. Les pays du Maghreb gagneraient à s'en inspirer, eux qui ne peuvent plus désormais ânonner que ce projet ambitieux est impossible. La leçon vient donc d'être administrée pour le monde entier que la démocratie est réalisable dans les pays du Maghreb, pour peu que l'on daigne faire jouer le désir de paix et les instruments du dialogue et de la concertation. Il s'agit là, en effet, d'un meilleur rempart contre toute forme de violence, celle-là même qui s'est emparée de notre pays, dans les années 1990, pour mettre à bas l'espoir de tout un peuple de pouvoir enfin décider par lui-même de son avenir. La Tunisie voisine a ainsi quelque peu exaucé le rêve tant caressé par les démocrates algériens, convaincus que c'est la voie à suivre pour sortir définitivement de l'engrenage de la violence, mais aussi de l'état de déliquescence dans lequel la société semble se faisander davantage chaque fois qu'elle se refuse à affronter ses propres tares ou, carrément, dans le cas de l'Algérie, de reconnaître d'abord ses propres échecs et d'exorciser les démons du statu quo et de l'autoritarisme avant de se fourvoyer dans les méandres des politiques politiciennes aux conséquences incalculables. A ce titre, la Tunisie reste le seul îlot démocratique dans la mer houleuse des dictatures arabes. Les dirigeants arabes et africains ne doivent plus pouvoir se permettre le confort de se cacher derrière les cas libyen et égyptien pour justifier leur refus au changement. Car outre la spécificité algérienne dont on s'est interrogé longtemps pour tenter de percer un tant soi peu la mystérieuse absence de contagion dans ce pays du phénomène des révoltes arabes et la singularités des pays qui sont mis sens dessus dessous comme le cas libyen ou celui égyptien, force est d'admettre qu'à présent la Tunisie accapare toute l'attention et réussit s'imposer en modèle. Un label tunisien ? En tous cas, la réalisation est à la hauteur des défis qui attendent ce pays dont le redressement économique reste une des urgences de l'heure. La Tunisie est aujourd'hui plus que jamais outillée pour mener d'autres batailles sur le front économique et social. La légitimité démocratique étant là, elle vient de s'en offrir les moyens.