Le court métrage Douce révolte, de Fella Bouredji, a décroché, dernièrement, la mention spéciale du jury lors des 6es Journées cinématographiques d'Alger (JCA). La journaliste revient sur l'idée maîtresse de ce court métrage. Dans votre premier court métrage Douce révolte, le contexte du mouvement InfidjArt est un prétexte pour aborder la thématique de la jeunesse algérienne ? C'est un film consacré à une jeune artiste de l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Alger que j'ai choisi de suivre pour plusieurs raisons. D'abord pour sa singularité en tant que personne qui m'a captivée. Yasmine a une authenticité et une conscience que j'ai trouvées intéressantes à capter. Mais ce n'est pas pour autant un exercice d'admiration. Ce que je voulais, c'était des images et des paroles du réel qui puissent en dire long sur une jeunesse qui s'interroge sur sa société et sur son devenir. Yasmine ayant la particularité d'être une jeune femme, qui plus est artiste dans une Algérie qui laisse si peu de place à l'une comme à l'autre. Le fait qu'elle ait participé deux mois avant le tournage du film au mouvement de contestation très médiatisé qui a secoué l'Ecole des beaux-arts a été un argument de plus. Après l'avoir filmée chez elle, dans la rue, avec ses amis, j'ai apprécié de la montrer au sein d'InfidjArt. On peut y voir un prétexte de plus pour parler d'une certaine jeunesse algérienne. Mais le film n'est pas un compte rendu du mouvement InfidjArt. Il n'a été qu'un contexte que j'ai jugé intéressant. C'est la complexité de Yasmine qui m'intéressait. L'intimité d'une émotion dans laquelle elle se sentait coincée et qui la ballottait d'un extrême vers l'autre dans tous nos échanges. De la révolte à la mélancolie. Du désespoir à la détermination de s'en sortir. Est-ce une volonté de votre part d'avoir opté pour un sous-titrage en langue française ? Je suis issue de la presse francophone. Le français est un instrument de travail naturel pour moi. Mais dans le film, Yasmine s'exprime autant en français qu'en arabe dialectal. J'ai sous-titré les dialogues parlés en dialectal en français parce que cela me semblait logique au départ. L'arabe dialectal n'étant pas assez codifié. Cela dit, il existe une version sous-titrée en arabe et même en anglais pour permettre au film de voyager et de faire oublier les frontières. Une version en tamazight et en espagnol sera disponible prochainement. Comment s'est déroulé votre passage de la presse écrite vers le cinéma documentaire ? J'ai commencé à m'intéresser au journalisme audiovisuel en 2012 après avoir effectué un stage au sein de la chaîne Arte. J'ai eu un déclic, j'ai réalisé le plaisir qu'on pouvait prendre à écrire avec des sons et des images. En participant aux labos d'Alger, ateliers d'initiation au cinéma documentaire organisés par l'Institut français en juin 2015 et grâce auquel j'ai pu réaliser mon premier court métrage documentaire, j'ai nourri cette envie de filmer et d'écrire le réel loin du carcan de l'actualité qui peut être plaisante, mais aussi très contraignante. Suite à cette première expérience, j'ai pu rejoindre une école de cinéma documentaire en France, les ateliers Varans, en septembre 2015, pour une formation plus approfondie et la réalisation d'un second film, un autre court métrage documentaire. Votre passion pour le cinéma documentaire est telle que vous avez réalisé également un second court métrage... Ce deuxième court métrage s'intitule en corse Spiritu Independenza (Esprit d'indépendance). Le film a été tourné en Corse. Il a créé une passerelle entre les idéaux du FLNC, le Front de libération nationale corse, et celui du FLN algérien quand il inspirait encore la révolution partout dans le monde. J'y dresse le portrait d'un ancien leader du mouvement qui raconte la violence, le combat, mais aussi la désillusion des indépendantistes corses. Avez-vous d'autres projets en perspective ? Je ne compte pas en rester là. Le cinéma documentaire est un monde dans lequel je viens de poser un pied, je ne compte pas en ressortir. Je suis sur le projet d'un troisième court métrage. Je compte enchaîner ensuite par un long métrage dans lequel je prendrai le temps de faire un travail d'investigation plus fouillé, où la journaliste pourra également s'épanouir.