Les plus hauts dirigeants syriens n'ont jamais annoncé la fin de la guerre, mais la réouverture de la Foire internationale de Damas avec une participation étrangère jugée appréciable constituait, en quelque sorte, un état des lieux, jusqu'à ce qu'une roquette s'abatte à l'entrée même de cette foire, faisant cinq tués et des blessés. Nul doute que les auteurs de cette attaque voulaient démentir ce sentiment. A cela, s'ajoutent de nouvelles pertes civiles lors de frappes de la coalition antidjihadiste. Les 18 victimes se trouvaient dans une mosquée et des maisons environnantes, selon l'OSDH. Quant à la foire, ouverte il y a quelques jours, elle apparaît comme un défi, voire une assurance. Non pas que les affaires se portent bien, mais que la Syrie redevient une destination avec ce que cela suppose comme retour de la sécurité, bien plus important que ne l'a été la Foire de Damas, et le Salon du livre qui a réuni pas moins de 150 maisons d'édition, avec 50% de fréquentation de plus par rapport à celui de 2016. Tout laisserait donc penser que le processus de reconquête par les forces gouvernementales se poursuit et serait même en voie de se conclure par la victoire de ces dernières, et ouvrant de ce fait la voie à la reconstruction de la Syrie, détruite par des années de guerre impliquant des centaines de groupes, selon l'ONU. Tout laisserait alors croire à un processus de normalisation, la foire en question rouvrant ses portes qu'elle avait fermées en 2011. Cette 59e édition a attiré la participation d'entreprises étrangères venues de 43 pays arabes et autres, dont la Chine, la Russie, l'Iran, la France, le Royaume-Uni et la Belgique. Le gouvernement a fourni des préparatifs massifs et a procédé à de nombreuses rénovations dans la capitale pour cet événement, que les dirigeants considèrent comme un signe de reprise économique de la Syrie. Mais autant parler de la reconstruction de ce pays qui a subi des pertes évaluées par la Banque mondiale à 226 milliards de dollars. En 2016, le président syrien, Bachar Al Assad, avait assuré que ses alliés allaient recevoir la part du lion dans le futur processus de reconstruction. Il reste que des entreprises étrangères, provenant parfois de pays qui ont imposé des sanctions à la Syrie, prennent part à cette manifestation. A titre individuel, ne manque t-on pas de préciser. «Nous sommes revenus en Syrie, car c'est un pays prometteur», affirme le représentant d'une entreprise allemande spécialisée dans les canalisations d'eau. Il reste que le discours se veut encore plus global et même empreint d'optimisme après les récents succès de l'armée syrienne, malgré l'attaque d'hier. Certains y voient même une fin prochaine de la guerre en Syrie. Et beaucoup s'y prépareraient et la Foire de Damas constitue ce fameux baromètre, qui serait dans ce cas-là celui de la normalisation, avec toutefois des conditions fixées dimanche par le chef de l'Etat syrien, en affirmant que les pays qui envisagent de rouvrir leurs ambassades en Syrie doivent rompre avec les rebelles. Et d'assurer : «Nous ne sommes pas isolés.» Est-ce là une réponse aux propos de certains dirigeants étrangers affirmant désormais qu'ils ne considéraient plus le départ de Bachar Al Assad comme un préalable, ou encore qu'ils envisageaient de rouvrir leurs représentations diplomatiques dans la capitale syrienne ? Ce qui n'est pas improbable, tant ce qui se passe en Syrie, surtout depuis l'engagement militaire russe aux côtés des forces gouvernementales, a fondamentalement changé. Un véritable bouleversement jusqu'au plan international. Ce n'est pas encore la paix, «la bataille continue», a affirmé le chef de l'Etat syrien tout en évoquant l'avenir. Beaucoup justement s'interrogent sur l'après-guerre, envisageant d'ores et déjà des ruptures. Ou une reconfiguration des relations internationales.