Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les artisans qui tentent de mettre sur pied une entreprise sont en proie à toutes les vicissitudes. Selon le président de la Fédération des artisans de Boumerdès, M. Charef, «ils ne bénéficient d'aucune attention des autorités, contrairement aux autres jeunes entrepreneurs ayant bénéficié des dispositifs Ansej et CNAC». Il explique que si l'artisan obtient sa carte auprès de la Chambre de l'artisanat, il n'a droit ni au crédit, ni à l'exemption fiscale durant trois ans, encore moins à l'accès à un local. En fait, on le dissuade d'avoir la carte d'artisan pour pouvoir bénéficier des avantages des dispositifs d'aides de l'Etat. Autre souci de taille, l'approvisionnement en matière première dépend entièrement de l'importation. Rotin pour la vannerie, semelles pour la production de souliers, colle et matériaux de dessin pour la céramique sont des produits chers qui influent négativement sur le prix de revient, d'où les difficultés supplémentaires pour la vente déjà mise à mal par l'absence d'un réseau de distribution. Pis encore, au cas où il aurait contracté un crédit auprès d'une banque publique, l'artisan entrepreneur risque de voir ses enfants sanctionnés d'un refus d'octroi d'une bourse universitaire s'il y a un retard dans l'acquittement de l'imposition fiscale. L'Union générale des commerçants et artisans (UGCAA), antenne de Boumerdès, avait saisi le Premier ministre à ce sujet dans des propos qui traduisent un grand malaise: «Il existe une contradiction entre une loi qui fait d'un majeur un individu entièrement responsable devant la justice dans le domaine juridique, et l'obtention d'une bourse universitaire, conditionnée par la mise à jour de la situation fiscale de ses parents.» En outre, les artisans maçons, par exemple, ont toutes les peines à avoir un local et, n'étaient les manifestations commerciales comme les foires, ils n'arriveraient pas à écouler leurs produits. Sur 500 artisans, seuls 50 sont en exercice avéré. Les autres végètent avec des entreprises mort-nées ou ayant des activités occasionnelles. A Béni Amrane, les locaux dits «du Président» sont occupés par quatre jeunes entrepreneurs. Deux d'entre eux sont de véritables artisans qui n'ont pas changé leur activité initiale. Les deux autres ont transformé se sont spécialisés dans le fast-food et les services. Le reste des locaux est désespérément vide. Enfin, le marché économique demeure hermétique aux offres de service des différents entrepreneurs, malgré l'existence d'une circulaire ministérielle qui fait obligation aux directions étatiques et aux entreprises publiques de leur accorder 20% des appels d'offres pour des projets. A titre illustratif, une trentaine d'offres de services émanant d'artisans entrepreneurs en maçonnerie et travaux de bâtiment n'ont reçu depuis plus de deux ans aucune réponse des collectivités locales ou des directions de la wilaya, comme l'éducation où des travaux de peinture, de charpenterie et d'échafaudage auraient pu être octroyés à des artisans ou encore celle de la culture dans la rénovation de sites historiques comme la Casbah de Dellys, à l'instar de la direction de l'hydraulique qui fait appel à eux pour l'exécution de bassins de fontaines publiques. Mais elle est bien la seule à le faire.