Connue pour ses critiques virulentes et ses positions pour les choix politiques qu'entreprend le gouvernement, Hadda Hazem semble plus que jamais engagée dans un double combat : celui qui lui permet de dire ouvertement ce qu'elle pense, et un autre combat lui permettant de maintenir le support de communication véhiculant ses idées : El Fadjr. Qualifiée de "battante", de journaliste "courageuse", qui relève à chaque fois le défi, Hadda Hazem est déterminée à mener sa protestation afin de lever le monopole sur le secteur et d'assurer une distribution équitable de la publicité publique. Un combat des plus cruciaux, dont Hadda a eu conscience dès le départ, d'où son recours à une action extrême, à savoir la grève de la faim. Une action qui a permis de relancer le débat sur la manne publicitaire et le devenir de la profession d'une manière générale. Si la directrice d'El Fadjr a su surmonter tous les obstacles qu'elle a rencontrés jusque-là, pourra-t-elle cette fois-ci sauver son journal et le gagne-pain de ses salariés ? C'est elle qui a fait éclater l'affaire des 26 milliards de dollars. Hadda Hazem, a choisi dès ses premiers pas dans la presse de dévoiler ce qui était jusque-là interdit : la corruption dans la gestion de deniers publics. Cette affaire remonte à la fin des années 1980, coïncidant avec l'ouverture démocratique en Algérie, Hadda Hazem, qui était à cette époque-là journaliste à El Massa (arabophone), révélait un scandale qui était jusque-là un sujet tabou, alors que la presse indépendante n'était encore pas née. Nous sommes en 1989, Le climat politique était favorable et le «journal El Massa était assez autonome», rappelle Aïssa Malki, directeur de ce journal, qui revient en détail sur cette affaire. «Suite à une conférence animée par Abdelhamid Brahimi, ex-Premier ministre qui s'était basé sur les chiffres avancés par Mouloud Hamrouche, soit 10% des chiffres du commerce extérieur versée en pots-de-vin. Alors l'ex-Premier ministre avait fait ses calculs et donné ce chiffre de 26 milliards de dollars pour décrire la gabegie qui régnait à l'époque du système du parti unique», se remémore le directeur d'El Massa, rencontré lundi dernier à la Maison de la presse, venu manifester sa solidarité à Mme Hazem en grève de faim depuis plus d'une semaine. Cette dernière a, pour rappel, opté pour cette forme de protestation afin de dénoncer la manière dont la publicité publique est octroyée. M. Malki se souvient de cette jeune journaliste pleine d'enthousiasme et d'énergie : «Elle était imbattable. Elle ne refusait pas de sujets difficiles.» De l'avis de nombreux journalistes qui l'ont connue, Hadda Hazem demeure une plume fine mais très virulente lorsqu'il s'agit de dénoncer ou de critiquer des choix politiques. Une attitude qu'elle garde depuis ses débuts dans la presse. Des attitudes qui lui ont valu des sanctions allant jusqu'à sa privation de la publicité, engendrant ainsi des difficultés financières pour son journal El Fadjr. Sur la scène médiatique, Mme Hazem est la seule femme qui ait réussi à créer et gérer son propre journal né durant les années 2000. «Tout est à son honneur», déclare Salima Tlemçani, journaliste au quotidien El Watan. A propos d'El Fadjr, El Kadi Ihsane, directeur du site électronique Maghreb Emergent affirme que c'est une «vraie aventure éditoriale», lors de son intervention à l'occasion du rassemblement de soutien à la directrice d'El Fadjr. Cette licenciée en économie en 1984 fait partie des rares journalistes arabophones qui traitent des sujets politiques. A ce propos, Salima Tlemçani regrette le fait que les femmes journalistes traitant des sujets cruciaux (politiques, sécuritaires) soient très mal représentées dans la presse arabophone. «Je couvre beaucoup d'événements. Ceux qui sont à l'avant sont les hommes. Les femmes journalistes sont moins visibles que les hommes. Elles sont plutôt confinées dans des sujets de société», analyse Salima Tlemçani, qui ne cache pas son souhait de voir l'action de Mme Hazem déclencher un déclic, surtout qu'il s'agit de l'avenir de toute la profession. «Elle reste une voix libre, anti-intégriste, elle ne se laisse pas faire. Consciente de toutes les pressions, mais elle n'est pas désarmée». C'est ainsi que H'mida El Ayachi a préféré décrire Hadda, qui demeure la seule chef d'entreprise de presse. Son engagement remonte au début des années 1980. Elle était étudiante à l'université de Annaba en ce début des années 1980, lorsqu'elle affichait son intérêt pour les causes justes, telles que la question palestinienne. Hadda était très active, elle s'impliquait dans toutes les activités contre l'injustice et la dictature, à l'instar de la Journée internationale de la jeunesse anti-impérialiste (24 avril), comme en témoigne son ancien camarade, Montassir Oubatroune, actuellement journaliste indépendant. «C'est une femme qui refuse qu'on lui marche sur les pieds», témoigne-t-il. «L'amie des journalistes» En plus de sa réussite à créer et imposer son journal parmi d'autres, Hadda a su également imposer une vision moderne dans le traitement de l'information. «El Fadjr est une vision ouverte et moderne de la presse arabophone», estime Hmida EL Ayachi, qui voit en ce journal une école pour les jeunes journalistes. «El Fadjr a donné de la chance aux jeunes journalistes et les a même formés», estime-t-il. Fayçal Métaoui, journaliste à El Watan ayant suivi le parcours de Mme Hazem alors qu'il était encore étudiant, reconnaît à cette dame son courage, mais aussi sa modestie à l'égard des journalistes débutants. «Contrairement à certains anciens journalistes, elle a le contact facile, elle communique avec tout le monde, elle aide avec ce qu'elle connaît, elle répond au téléphone lorsqu'on l'a contacte», assure Fayçal Métaoui, qui reste un lecteur assidu de sa chronique quotidienne sur son journal. Hadda reste l'amie des journalistes, en plus de l'aide qu'elle leur apporte, elle demande aussi leurs avis quand à la confection du journal. «Cette pratique est courante chez elle. Elle demande à chaque fois l'avis des journalistes», témoigne Amine Lounici, chef de rubrique politique à El Fadjr. En plus, «elle ne se mêle pas du travail du chef de rubrique comme font certains directeurs de journaux», reconnaît Salim Fezaz, chef de la rubrique sportive. Par contre «elle demande à chaque fois aux journalistes de lire sa chronique avant de la publier», ajoute-t-il, reconnaissant en elle son professionnalisme.