Le développement insidieux du béton et l'insalubrité au niveau des superficies agricoles ne semblent pas inquiéter outre mesure les citoyens et les responsables-décideurs locaux. «L'agriculture périurbaine est devenue une issue pour des familles nostalgiques des richesses agricoles du passé. L'agriculture périurbaine est une forme émergente de pratiques agricoles en ville, généralement en parallèle ou en jardins individuels ou collectifs, quelle que soit la nature de ses systèmes de production. C'est l'ensemble des espaces cultivés et espaces bâtis qui participent au processus d'urbanisation et forment le territoire de la ville», nous explique Moumène Benzahra, expert en agriculture. L'usage du sol d'une manière intelligente, l'utilisation du savoir-faire des retraités, la préservation les petites fermes qui se consacrent à la protection des patrimoines génétiques, la création de petites fermes éducatives et les convoitises sur les terres agricoles ne cessent de grandir. Des décisions hasardeuses qui ne suscitent pas des efforts pour trouver des meilleures solutions dans l'implantation des projets, sachant que des étendues de terres agricoles seront sacrifiées, voire disparaître. Il suffit de revoir les anciennes cartes postales du chef-lieu de la wilaya de Tipasa, d'une part, et écouter les paroles des personnes âgées, d'autre part, pour se rendre compte de l'ampleur de l'agression contre les terres agricoles et les actes irréfléchis à l'encontre du patrimoine agricole. «A présent, les menaces dépassent largement le cadre agricole. Elles nous renvoient à des problèmes de société plus globaux tels que l'équilibre du territoire et le cadre de vie et les modes de consommation. Quand arrive le moment de la transmission de l'exploitation, il est plus alléchant pour n'importe quel agent économique de transmettre l'exploitation à un individu qui a des possibilités de financement supérieures à celles d'un jeune agriculteur. Cette réalité amère invite à une réelle réflexion, donc il appartient d'ôter aux spéculateurs les perspectives d'accaparer des terrains chaque fois qu'une exploitation perd du foncier, car elle perd inexorablement de la capacité de production et elle perd aussi son équilibre. Par conséquent, les enjeux du maintien d'une agriculture autour des villes sont multiples, environnementaux et socio-économiques pour que la ville durable voit le jour ; sa périphérie, je veux dire son poumon vert, ne peut exister que s'il y a une volonté politique, d'une part, et une culture citoyenne pour développer ce type d'agriculture, d'autre part», précise l'ex-secrétaire général de la Chambre agricole de la wilaya de Tipasa. Ce nouvel aménagement parviendra à travers la mise en place de plusieurs plans : éducatif-esthétique-économique-social-culturel. La wilaya de Tipasa demeure un territoire à vocation agricole. La sécurité foncière est l'élément fondamental d'une politique urbaine de l'agriculture, la délimitation claire de l'espace agricole sous influence urbaine, l'exercice rigoureux de la tutelle publique, un projet intercommunal édifié autour d'un centre agricole animé par les activités agricoles et artisanales, telle est la pierre angulaire en mesure d'assurer un projet sur le long terme. La maison de Hadj Khaled à Hadjout révèle le secret de l'agriculture périurbaine. Encerclée par plusieurs constructions, la demeure de cet ancien fonctionnaire a été préservée de la folie de l'avancée du béton. C'est une ferme agricole au sens propre du terme en plein milieu de la ville de Hadjout. Un musée. Un centre éducatif. En plus d'une huilerie artisanale, un petit espace consacré à l'élevage des ovins, un poulailler, un puits pour irriguer les multiples plants de cultures de saison, fruits et légumes, qui tapissent le lopin de terre avant de dévoiler leurs couleurs et dégager leurs senteurs. «Tout est bio, me rassure Hadj Khaled, je n'achète rien de l'extérieur, même pas le pain, je vis à l'intérieur de ma maison. Je sors de chez moi quand je vais à la mosquée ou pour effectuer un déplacement ; bien entendu, je reçois mes amis au milieu de cet espace calme, il n'y pas de place à la pollution», insiste-t-il. Des arbres fruitiers tels des sentinelles au milieu du lopin de terre baignant sous les rayons du soleil sont chouchoutés par Hadj Khaled avant de lui offrir leurs délicieux produits. La demeure de Hadj Khaled fait partie des rares maisons éparses dans la wilaya de Tipasa qui entretiennent et perpétuent l'agriculture périurbaine. Un exemple à méditer. En revanche, au niveau du chef-lieu de la wilaya, plusieurs petits espaces sont livrés à eux-mêmes, se transforment en dépôts d'ordures malheureusement. Ils ne sont pas cultivés. Pourtant, dans les pays civilisés, il y a une prise de conscience chez les gestionnaires locaux et les citadins envers l'introduction de l'agriculture périurbaine en mesure de donner un nouvel éclat à la cité. Ces espaces une fois cultivés et entretenus peuvent générer de la richesse et offrir un cadre bucolique aux habitants des quartiers. Au Canada, dans certains pays du Golfe tels que le Qatar et ailleurs dans quelques pays de l'Europe, l'agriculture périurbaine s'est agréablement développée dans les esprits et sur les terrains. En raison de son impact positif sur l'environnement, des pays ont entamé des expériences avec un grand succès, en créant des potagers sur les terrasses des buildings et des résidences construites en milieu urbain. Des légumes et des fruits cueillis dans des potagers urbains perchés sur plusieurs dizaines de mètres sont cueillis et commercialisés au niveau des commerces situés au pied des gigantesques bâtiments. L'apiculture s'est elle aussi rapidement développée dans ce nouvel environnement naturel aux multiples couleurs. Les ruches d'abeilles, nullement perturbées par le quotidien des villes, produisent du miel de qualité. Toutes ces expériences doivent susciter des réflexes chez les citadins. Dans notre pays, cette tradition existait dans le passé. Elle a, hélas, disparu au fil des années.