De notre envoyé spécial à Dakar Ali Boukhlef Dix ans ont suffi aux Marocains pour violer la charte du Forum social mondial. Durant deux jours, les participants au Forum social mondial de Dakar ont assisté, ébahis, à un déchaînement de violence des représentants marocains qui interviennent systématiquement pour tenter d'empêcher toute activité de la délégation sahraouie.Hier, une trentaine de Marocains, que beaucoup présentent comme policiers, ont fait irruption dans l'amphithéâtre de la faculté des sciences techniques de l'Université de Dakar pour perturber une conférence animée par les Sahraouis. Ces derniers sont venus raconter des cas de tortures subies par des citoyens du Sahara occidental. Des représentants des associations féminines ainsi que d'autres organisations de la dernière colonie d'Afrique sont venues exposer les violations des droits de l'Homme dans leur pays. Cela n'a pas été du goût de la délégation marocaine, la puissance occupante.Les insultes, les bousculades et autres obscénités formulées par des Marocains à la limite de l'hystérie ont remplacé ce qui devait être une conférence thématique. Des femmes sahraouies ont même été physiquement agressées. Un parlementaire catalan, lui, s'est fait insulter par un citoyen de Sa Majesté. Les services d'ordre ont dû intervenir. Des groupes de Marocains ont été conduits, souvent de force, vers l'extérieur de l'amphithéâtre. Là aussi, les écarts verbaux et autres insultes n'ont pas cessé. Même si, devant la présence massive des journalistes et autres participants, l'agression a tourné à un débat presque civilisé. La veille, un autre groupe de Marocains avait fait irruption dans une tente où des militants sahraouis discutaient avec des organisations non gouvernementales sur «les dernières colonies d'Afrique». Des militants européens et sud-américains étaient choqués par la haine que vouent les Marocains. aux Sahraouis. Des militants brésiliens et espagnols ont immédiatement convoqué une conférence de presse. Jadiyetu El-Mokhtar, représentante de l'Organisation des femmes sahraouies, a exprimé son indignation devant ces atteintes répétées des Marocains. «Le comité d'organisation doit nous protéger», a-t-elle crié.Certains progressistes marocains ont dénoncé les actes commis par leurs concitoyens. «Nous devons laisser les Sahraouis s'exprimer librement», ont-ils écrit dans un communiqué anonyme, sans décliner leur identité de peur de représailles. Un incroyable mouvement de solidarité s'est créé pour soutenir les Sahraouis face à ces agressions. Le comité est composé de militants de plusieurs nationalités. Bravant la peur, les militants sahraouis continuent de lutter pour leur cause, à l'intérieur de leur pays et dans les forums internationaux. Leur courage suscite une admiration sans faille des personnes présentes au Forum social de Dakar.