La bataille en cours depuis des mois entre Scor et Covéa a franchi un nouveau palier avec la décision du réassureur d'engager des actions pénales contre son principal actionnaire, coupable à ses yeux d'avoir annoncé en pleine séance de Bourse l'abandon de son projet de rachat. L'annonce par Covéa qu'il renonçait à prendre le contrôle de Scor a fait dévisser le titre de ce dernier, qui a terminé la séance en baisse de 11,41% à 36,48 euros après un plus bas en séance à 35,20 euros, effaçant ainsi tous les gains enregistrés depuis la révélation le 4 septembre de l'offre de Covéa. Exprimant sa "stupeur" après la publication du communiqué de Covéa pendant les heures de cotation, Scor, qui affirme ne pas avoir été informé au préalable des intentions de son actionnaire, a annoncé qu'il engageait des actions pénales contre l'assureur mutualiste et son P-DG Thierry Derez pour abus de confiance et recel d'abus de confiance. Il va aussi intenter à leur encontre des actions en responsabilité civile devant le tribunal de commerce de Paris. Scor, qui va aussi saisir l'Autorité des marchés financiers, accuse Thierry Derez, et en conséquence Covéa, d'avoir profité de sa qualité d'administrateur de l'entreprise pour utiliser des informations sensibles afin de favoriser l'offre non sollicitée lancée en août. Il en profite pour réaffirmer sa volonté d'indépendance et d'autonomie. "Covéa a pris connaissance du communiqué de presse diffusé ce jour par SCOR et conteste vigoureusement l'ensemble des allégations qui y sont contenues", a réagi la société dans la soirée via un communiqué. Covéa, qui réunira son conseil mercredi, ajoute se réserver "tous ses droits dans le cadre de la protection de ses intérêts face à des accusations graves, infondées et attentatoires à sa réputation". Une porte-parole de Thierry Derez n'a pas répondu aux appels destinés à obtenir une réaction de sa part.
Un avenant expiré en avril Premier actionnaire de Scor avec une participation de plus de 8%, Covéa, qui regroupe les assureurs GMF, MAAF et MMA, a annoncé en septembre avoir soumis le mois précédent une offre publique en numéraire à 43 euros par action visant 100% du capital du réassureur, valorisé 8,2 milliards d'euros. Scor l'a rapidement rejetée, considérant qu'elle compromettait sa stratégie d'indépendance et qu'elle ne reflétait pas sa valeur intrinsèque. Il a ensuite constamment maintenu cette position de fermeté vis-à-vis d'une offre jugée hostile, son P-DG Denis Kessler affirmant en octobre que Scor refusait de devenir une filiale de Covéa. Le réassureur a résisté aussi bien aux efforts d'apaisement de Covéa, dont le P-DG Thierry Derez a démissionné en novembre du conseil d'administration de Scor, qu'à l'intervention du fonds activiste CIAM, monté au créneau pour dénoncer le rejet de l'offre de Covéa. "Covéa a constaté le refus de Scor d'engager tout dialogue en relation avec son projet de rapprochement amical proposé le 24 août 2018", a écrit l'assureur mutualiste mardi dans un communiqué diffusé à la mi-journée. "En conséquence, Covéa indique qu'un rapprochement avec Scor ne fait plus partie de ses options stratégiques." Entré au tour de table de Scor en 2003, Covéa s'est renforcé en 2016, date à laquelle il s'est engagé à solliciter l'avis du conseil d'administration du réassureur s'il souhaitait porter sa participation au-dessus de 10%. Cet avenant expire en avril et certains investisseurs ont émis l'hypothèse que Covéa pourrait ensuite lancer une offre hostile en cas d'échec d'une approche amicale. Dans un secteur en pleine consolidation, Covéa espérait qu'un rapprochement avec Scor donnerait naissance à un nouveau champion de l'assurance et de la réassurance et lui permettrait d'internationaliser son activité. Scor a aussi annoncé mardi des actions en responsabilité civile contre les banques d'affaires Rothschild en France et Barclays à Londres pour "violation grave de la confidentialité et du secret des affaires". Rothschild et Barclays, banque conseil de Covéa, n'ont pas commenté cette initiative dans l'immédiat.