Le P-DG du premier exportateur russe de pétrole, Igor Setchine, a annoncé que ses contrats de vente seraient désormais libellés en euro. Cette décision s'inscrit dans la politique de " dédollarisation " orchestrée par le président Vladimir Poutine face aux sanctions américaines contre Moscou. Vladimir Poutine le voulait, Igor Setchine l'a fait. Le patron du géant public de l'or noir russe Rosneft , un proche du chef du Kremlin, a annoncé que ses exportations pétrolières seraient désormais réalisées en euros et non plus en dollars. " Le potentiel de travail en monnaie européenne est très élevé ", s'est enthousiasmé Igor Setchine lors du récent forum économique de Vérone, en Italie. Un lieu choisi symboliquement par Rosneft pour officialiser ce changement, l'Italie et la banque Intesa organisatrice de ce forum se voulant les fers de lance du rapprochement entre l'Europe et la Russie après cinq ans de tensions et de sanctions. Le P-DG de Rosneft, qui exporte 120 millions de tonnes de pétrole par an, a fait comprendre que le choix de l'euro était une décision économique. L'objectif est clair : se protéger des sanctions américaines, plus nombreuses et diverses que les mesures prises contre Moscou par l'Union européenne depuis le début de la crise ukrainienne. " Une mesure forcée ", a expliqué le P-DG de Rosneft. Et une mesure bien orchestrée par le Kremlin.
Riposte aux sanctions américaines Régulièrement, Vladimir Poutine appelle, en guise de riposte aux sanctions américaines, à la " dédollarisation " de l'économie russe. Le président assure que la suprématie du dollar est " dangereuse pour l'économie globale " et accuse Washington de l'utiliser " pour étendre sa juridiction au monde entier". Coordonnée par le ministère des Finances et la banque centrale, cette " dédollarisation " a conduit à une diminution des réserves en dollars en fin d'année dernière, via un transfert de quelque 100 milliards de dollars d'actifs en euros, yens et yuans. " Si elle s'inscrit dans son business plan, la décision de Setchine est aussi en grande partie politique. C'est un petit pas dans la direction de ce que veut le Kremlin ", insiste Konstantin Simonov, expert du fond national pour la sécurité énergétique, un think tank russe réputé. Economiquement, la décision est d'autant plus étrange que Rosneft, après de multiples acquisitions, a beaucoup emprunté en dollars. Ses grands contrats asiatiques étaient par ailleurs jusque-là libellés non pas en yuans, mais en dollars.
Réalité des marchés des matières premières Au-delà des souhaits du Kremlin, la réalité des marchés des matières premières , dominés par le dollar, s'est jusque-là imposée à l'économie russe, toujours fortement dépendante de cette manne financière. D'où les répliques en ordre dispersé des autres grands acteurs énergétiques à l'annonce de Rosneft. Egalement invité au forum de Vérone, Leonid Mikhelson, le patron du gazier Novatek, a expliqué que son groupe était passé du dollar à l'euro " bien avant Rosneft " pour la majorité de ses contrats d'exportation. Une information qui était jusque-là non publique. " Ambivalente décision économique… Aujourd'hui, Novatek vend l'essentiel de son GNL à l'Europe. Mais il assure que l'avenir c'est l'Asie. Pourquoi l'euro alors ? ",s'interroge Konstantin Simonov. Quant à Gazprom, il n'a rien dit, sans doute pris de court par cette soudaine course à la dédollarisation.