Credit Suisse a annoncé vendredi la démission de son directeur général Tidjane Thiam, qui paie les conséquences d'un scandale d'espionnage industriel et sera remplacé par Thomas Gottstein, patron des activités de l'établissement en Suisse. Le conseil d'administration de Credit Suisse, qui s'est réuni jeudi, a réaffirmé son soutien à son président Urs Rohner afin qu'il reste jusqu'au terme de son mandat en avril 2021. L'affaire qui vaut son poste à Tidjane Thiam trouve son origine dans le départ l'été dernier chez la concurrente UBS de l'ancien directeur de la branche gestion de fortune de Credit Suisse, Iqbal Kahn. Redoutant que ce banquier star ne débauche d'ex-collaborateurs, Credit Suisse a monté une opération de surveillance, recrutant des détectives privés pour le prendre en filature. La mission a duré entre le 4 et le 17 septembre, date à laquelle Iqbal Kahn a repéré ces détectives alors qu'il circulait dans Zurich avec son épouse. Sa plainte pour menace et coercition a fait éclater l'affaire, ébranlant un milieu bancaire suisse plus habitué à la discrétion. Une enquête interne confiée à un cabinet d'avocats par Credit Suisse a innocenté début octobre Tidjane Thiam. Assumant la responsabilité de la filature, son bras droit, Pierre-Olivier Bouée, directeur des opérations, a en revanche été poussé vers la sortie, ainsi que le chef de la sécurité qui dépendait directement de lui. Le détective privé qui avait coordonné la filature d'Iqbal Kahn s'est suicidé, d'après un avocat de la firme de sécurité privée recrutée pour cette mission. Au début du mois, le journal suisse SonntagsZeitung a révélé que Pierre-Olivier Bouée avait également fait espionner Greenpeace à la suite d'une intrusion de militants de l'ONG lors d'une assemblée générale des actionnaires en 2017. L'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) a ouvert en parallèle une enquête, Credit Suisse ayant reconnu avoir également mis sous surveillance son ancien directeur des ressources humaines, Peter Goerke. D'après plusieurs sources proches de la banque, cette accumulation d'affaires a tendu les relations entre Tidjane Thiam et Urs Rohner. Il semble peu probable que le départ du banquier franco-ivoirien de 57 ans referme la page de ce chapitre mouvement. Il pourrait même irriter certains investisseurs qui avaient pris sa défense face à Urs Rohner dans la lutte de pouvoir que les deux hommes se sont livrée. "Une période d'instabilité va s'ensuivre tandis que M. Gottstein tentera de poser les bases d'une croissance future. Nous anticipons du mécontentement parmi les investisseurs après ce changement, les retombées restant inconnues à ce stade", écrivent les analystes de KBW.