Nous sommes à une semaine de l'Aïd et les prix des fruits et légumes sont toujours au niveau où ils étaient... une semaine avant le Ramadhan. Le ministère du Commerce avait pourtant repris la rengaine qu'il avait l'habitude de nous servir à l'orée de chaque période de jeûne : c'est la ruée des premiers jours, qu'on explique dans d'implicites allusions à notre maladive boulimie, qui font flamber les prix. Les coûts vont à coup sûr retomber une fois nos ardeurs de consommateurs insatiables tempérées. L'explication est tirée par les cheveux, elle n'a rien de rationnel et elle est formulée avec une rare désinvolture, mais on a fini par y croire, faute de mieux. Pourtant, tout indique que les autorités qui en font un argument-massue n'en sont elles-mêmes pas convaincues. Sinon, elles se passeraient bien des autres «mesures» qu'elles ont l'habitude de nous présenter comme autant de panacées infaillibles. Là aussi, on aurait dû en sourire au lieu d'encore s'illusionner : les prix des fruits et légumes sont légalement libres mais on nous annonce qu'ils vont les... contrôler. Et nous prenons acte chaque année à la même période de l'armée de «contrôleurs» qui vont traquer les fraudeurs dans tous les marchés du pays ! Cela fait une ère géologique qu'aucun marchand de fruits et légumes n'a été sanctionné pour ça et pour cause, on n'a rien à reprocher aux vendeurs d'étal. En l'occurrence, il n'est même pas besoin de sortir cette certitude, même si elle n'est pas vraiment usurpée : les contrôleurs, c'est fait pour bouffer avec les voleurs. Et puis ces autres «mesures», dans le meilleur des cas velléitaires. La «lutte contre la spéculation». Qui sont les spéculateurs ? On ne le saura sans doute jamais. Les agriculteurs, les propriétaires de chambres froides, les grossistes, les détaillants ou tous ces gens-là ? A moins que la spéculation ne soit... politique. Difficile à imaginer dans l'absolu, du fait que les gouvernants n'ont, en principe, aucun intérêt à ouvrir un autre front social alors qu'il n'en manque pas vraiment. Mais on ne sait jamais, tellement on est habitué à tout envisager, surtout que les expériences ne sont pas rares en la matière. Orienter les colères vers des demandes qu'on peut satisfaire en y mettant (seulement) le prix pour détourner le citoyen d'enjeux autrement plus «stratégiques» chez ceux qui sont aux affaires et comptent bien y rester, on en sait un bout. Sinon, pour revenir à des choses beaucoup plus terre à terre, il faudra par exemple se demander pourquoi la concurrence n'arrive pas à s'installer dans un marché théoriquement libre. Il suffit de parcourir un marché pour se rendre compte que le prix de la tomate ou de l'oignon est le même dans tous les étals ! Nous sommes à une semaine de la fin du Ramadhan et les prix sont restés au niveau où on les a laissés il y a un mois. Ni l'armée de contrôleurs, ni la guerre à la spéculation, ni l'opération «du producteur au consommateur» n'y ont fait quelque chose. Ne comptez surtout pas sur l'Aïd pour y remédier. Ça va être pire même dans les longs «jours d'après». S. L.