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Kaddour «Oulid el djouadj»
C'est ma vie
Publié dans Le Soir d'Algérie le 29 - 12 - 2018


Par Abdelkader Maidi
On l'appelait «crésus». Il s'installera à Buenos Aires, en Argentine, au bord du Rio de la Plata, grâce à sa voix sublime et à un heureux coup de la baraka.
Kaddour a vu le jour dans l'un des quartiers périphériques de Blida, dans les années 1938. Il y habitait avec sa nombreuse famille. Ce garçon, dynamique, avait un sobriquet désopilant, lié surtout à la profession qu'exerçait son vieux père en ce temps-là. Tout le monde le désignait, dans le quartier et ailleurs, par le pseudonyme de Kaddour «Oulid el djouadj», traduire : «Kaddour le fils du marchand de volaille», du fait que son géniteur biologique gérait une petite échoppe au marché indigène, où il proposait à ses compatriotes musulmans, à des prix défiant toute concurrence du reste, du poulet de chair ainsi que des œufs, collectés directement dans les fermes des environs de la luxuriante Mitidja.
Certains plaisantins le faisaient par dérision, question de rigoler un bon coup, tout en imitant le caquètement de la poule. Parallèlement, ils feignaient le battement des ailes, en reproduisant les mouvements à l'aide des deux bras repliés sous les aisselles. D'autres, en revanche, à dessein avoué, afin de le différencier de ses homonymes, car des «Kaddour», il en existait un foisonnement dans sa ville natale.
On trouvera facilement un «Kader Oulid el hawat» ! Comprendre par là le fils du marchand de poisson, car le père de celui-ci tenait un étal au marché couvert de la ville, où il proposait une variété non exhaustive des produits de la mer, quand évidemment la météo n'est pas capricieuse.
Donc, chacun de ces jeunes traînait derrière lui, telle une casserole difficile à détacher, un sobriquet qu'il gardera jusqu'à la fin de ses jours, sauf si naturellement il se décide un jour à changer de ville…, sinon de pays où personne ne le connaît. Dans cette ville existaient, du temps des colons, deux marchés importants : l'un exclusivement destiné aux indigènes et qu'on appelait familièrement le «marché taa el arabe» (le marché affecté aux Arabes). Un marché à ciel ouvert, composé uniquement de baraquements et d'une salubrité qui laisse à désirer.
L'autre, au contraire, doté d'une architecture attrayante, présentait une esthétique beaucoup plus moderniste. Il avait été édifié tout en dur et la toiture recouverte de tuiles en ardoise.
On le désignait par le nom de «marché taa en'ssara» (le marché des Français), afin de mieux différencier, dans le langage courant, les deux endroits. Chacune des deux communautés avait sa propre structure commerciale, et personne n'empiétait sur le domaine de l'autre. Même les prix et les produits proposés à la vente se distinguaient par la qualité et la quantité d'un marché à son équivalent.
Donc une ségrégation existait dans les faits, car même les emplacements étaient honteusement séparés par les colons. Dans les années 50, Kaddour est embauché dans une importante imprimerie gérée par une famille française. Une imprimerie assez connue dans la région, installée au centre-ville depuis des décennies. La direction de cet établissement de renom récompensait les meilleurs employés ayant fourni durant l'année fiscale un effort louable, question de les booster, en leur accordant un voyage tous frais payés vers la métropole.
Une façon de leur permettre de changer d'air et de voir de nouveaux horizons. Vint le jour où Kaddour, considéré par ses patrons comme un garçon sérieux, compétent, tout en étant un travailleur émérite, fut choisi pour ce déplacement récréatif à Paris, en même temps qu'un autre employé bien noté, un certain Mourina. Ce dernier, beaucoup plus âgé que notre compatriote, est un Français de confession hébraïque. Gentil, sociable, il aimait bien Kaddour, car ils travaillaient tous les deux sur une même machine et dans un même atelier. Donc, la relation était cordiale et assez consistante. Le juif, durant la présence française en Algérie, s'accommodait plaisamment avec «l'Arabe», plutôt qu'avec «le roumi». Notre ami n'a aucune idée sur ce qui l'attendait de l'autre côté de la Méditerranée. Heureusement pour lui que son collègue de travail connaissait parfaitement la France, pour y avoir vécu quelques années, bien avant de rejoindre l'Algérie.
Arrivés dans la capitale française par train, après avoir débarqué du Kairouan, un imposant car-ferry qui faisait la navette entre Alger et Marseille, ils s'étaient vite attelés à trouver un bon hôtel, pas trop cher et surtout situé à proximité d'une bouche de métro, ce qui leur facilitera leurs déplacements dans la ville lumière.
Kaddour «Oulid el djouadj» à Paris, qui l'eut cru… ! Il était un beau garçon, au physique d'athlète et agréablement constitué. Il était affublé d'un visage aux traits fins, ressemblant à un poupon. Son violon d'Ingres : la chanson. Dame Nature l'a gratifié d'un beau timbre. Une voix pleine de tempo, qui vous fait penser à un ténor d'opéra. A la maison, au bain, au travail ou même parfois en pleine rue, il se lançait, sans la moindre gêne et devant un auditoire ravi, dans des couplets connus de certaines chansons de Fadila D'ziria, de Abdelhalim Hafez, de Farid El Atrache ou de Mohamed Abdelwahab, en vogue en ce temps-là. Alors que les deux copains flânaient sur les grands boulevards, ils aperçurent au coin de la rue La Huchette le cabaret El Djazaïr, une attraction très appréciée à Paris. Curieux, Kaddour voulait visiter ce lieu mythique, dont il a beaucoup entendu parler.
Le soir même, lui et son copain réservèrent une table, afin d'apprécier le tour de chant de certains artistes et parmi eux, cela va sans dire, des Algériens.
Devant une telle ambiance festive et chauffée à blanc par Mourina, Kaddour s'en alla à la rencontre du chef d'orchestre, un compatriote, pour lui demander s'il acceptait de l'accompagner avec ses musiciens, car il avait l'intention d'interpréter une chanson orientale. Une belle mélodie qui connaissait un succès retentissant cette année-là. Le jeune homme entama le titre magistralement, usant pour cela d'une aisance époustouflante, ce qui lui attira à la fin de son passage sur scène une salve interrompue de bravos et d'applaudissements. L'assistance était subjuguée par sa magnifique voix.
En regagnant sa table tout essoufflé, mais néanmoins satisfait de sa prestation, une jeune et belle fille vint à lui, pour lui demander s'il voulait bien lui accorder une danse. Kaddour déclina poliment l'invitation, arguant le fait qu'il ne savait pas comment s'y prendre. Effectivement, il ne savait danser ni le slow ni le cha-cha-cha, encore moins le charleston, qui étaient en vogue.
C'est Mourina qui le poussa à accepter. Il faut signaler en passant que la jolie demoiselle s'était présentée à ces deux compères comme étant de nationalité argentine et qu'elle n'était que de passage à Paris, histoire de visiter la tour Eiffel et de profiter pour faire quelques emplettes dans des boutiques chics. Vraisemblablement conquise par les charmes du garçon, dès leur troisième rendez-vous, elle lui demanda ouvertement, sans prendre de gants, de l'accompagner à Buenos Aires, afin d'officialiser leur mariage et de régler les modalités. Rien que ça… !
Eh oui, la fille qui est tombée follement amoureuse de lui, a voulu prendre le taureau par les cornes, et ne pas laisser filer entre ses doigts l'homme de sa vie qu'elle a toujours attendu. Naturellement, elle prenait en charge la paperasserie, le billet d'avion et tous les frais afférents à un tel voyage. L'Argentine, ce n'est pas la porte à côté. La durée du vol entre Paris et Buenos Aires est de 13 heures 25 minutes par long courrier. Kaddour, idéaliste et intransigeant, refusa net une telle proposition, considérée du reste comme irréalisable ! Il était réticent, car il ne savait même pas ce qui l'attendait là-bas, même si sa dulcinée lui plaisait irrésistiblement, et qu'il ressentait pour elle un sentiment qui était pour lui pratiquement inconnu, bien avant qu'il ne fasse sa connaissance. De Blida à Buenos Aires, une telle perspective, assimilée à une expédition, ressemble plutôt à un rêve… ! Le garçon, visiblement désorienté par ce qu'il venait de lui arriver, croit plutôt à une blague drôle. Une histoire plaisante destinée à booster la discussion qu'autre chose. Elle voulait peut-être faire dans l'exotisme, épouser un Arabe venu tout droit de son bled et rigoler un bon coup, sans plus, pensait-il. Encore une fois, Mourina monta au créneau afin de le persuader d'accepter sa proposition.
Une occasion pareille n'arrive qu'une seule fois dans la vie. Donc, il ne faut pas rater le coche et plus tard le regretter. Facilement influençable, Kaddour accepta enfin l'offre. Les deux copains se séparèrent l'âme en peine, après des adieux difficiles et des embrassades à ne pas en finir. Mourina regagna Blida, sans la compagnie de son ami Kaddour, qui lui remettra une longue lettre destinée à ses parents. Il s'envola d'Orly ouest vers l'Argentine, aux bras de sa bien-aimée. La surprise qui attendait le jeune homme n'avait pas de prix. Il s'est avéré par la suite que celle qui s'est amourachée de lui jusqu'à l'inciter à l'accompagner est la riche héritière d'une fortune colossale. Le père se trouvait être un puissant fermier, connu et respecté en Argentine. Ce riche éleveur possédait plusieurs ranchs, des milliers d'hectares de plantation de café, des usines de transformation de viande, ainsi que plus de 6000 têtes de bovins.
Il faut savoir que l'Argentine est l'un des premiers pays exportateurs mondiaux de viande rouge bovine, supplantée, de nos jours, par le Brésil. Kaddour est aux anges. Il est vite adopté par sa belle-famille, dont leur fille est éperdument éprise. Il faut signaler le fait que c'est une fille unique. Quelques années plus tard, il devient, à la mort de son beau-père, le principal régisseur des biens de sa chère épouse, devenant subitement un type extrêmement riche. Un Crésus d'origine algérienne au bord du Rio de la Plata, avec un siège social installé dans des bureaux ultramodernes, sur l'avenue Cordoba, l'une des plus importantes de Buenos Aires…
Il faut savoir que l'Argentine avait déjà à son actif un autre expatrié de renom, qui n'est autre que l'armateur et financier grec Aristote Onassis. Celui-ci deviendra plus tard un riche milliardaire, grâce à ses échanges commerciaux dans l'industrie du tabac avec ce pays latino-américain, dont son gouvernement le nommera en tant que consul général à Buenos Aires, à l'âge de 25 ans.
Ce magnat d'origine ottomane, un homme d'affaires internationalement connu et respecté, est né à Izmir en Turquie, avant d'émigrer en Grèce et ensuite en Argentine.
Il a vécu de son vivant une liaison tumultueuse avec Maria Callas, la grande cantatrice, durant des années, avant de s'en séparer et de convoler en justes noces avec Jacqueline Kennedy, la veuve du président américain assassiné en 1963. Le personnage en question possédait une armada de bateaux, plus particulièrement des tankers pour le transport d'hydrocarbures, ainsi que la compagnie aérienne battant pavillon hellénique.
Kaddour, qui n'avait pas oublié de sitôt le lieu de sa rencontre avec sa femme, ni même l'Algérie, son pays d'origine, inaugurera quelques années plus tard à Buenos Aires un grand music-hall, annexé à un restaurant de qualité, qui ne sert que des plats du Maghreb arabe : chorba, hrira, bourek, couscous, pastella, mloukhia, etc., qu'il surnommera «El Djazaïr», en hommage au cabaret qui porte le même nom et qui est installé à la rue de la Huchette à Paris. Nos compatriotes qui vivaient dans ce pays, y compris le corps diplomatique arabe, venaient très souvent goûter à un bon repas hallal, et apprécier comme il se doit la voix langoureuse de… Kaddour «Oulid el djouadj» ! Il faut signaler pour conclure cette histoire hors du commun, que «Oulid el djouadj» n'avait jamais coupé les liens avec l'Algérie.
Il s'y rendait régulièrement pour rendre visite à sa famille à Blida et lors d'un énième déplacement dans les années 70/80, il avait contacté les responsables du ministère du Commerce de l'époque, pour leur proposer du café et de la viande congelée à des prix défiant toute concurrence, question d'aider son pays à sa façon. Hélas, Kaddour reçut une réponse mitigée à la limite du refus pour des considérations purement subjectives, vous aurez compris qu'il s'agissait de pots-de- vin, ce qui le découragera définitivement de reparler business.


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